Bibliothèque de droit privé - Tome 623 - L'ubiquité des biens - 403

LA PERTINENCE DE LA REQUALIFICATION IMMOBILIÈRE
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§1. L'ADMISSION DE LA POSSESSION DU BIEN UBIQUISTE
408. Illustration de la singularité ubiquitaire.L'ubiquité des biens frapperait
nécessairement leur possession de certains vices, faisant ainsi obstacle au déploiement
de ses effets. La faculté de jouir simultanément de la chose rendrait nécessairement
équivoque toute possession, car si l'on peut établir qu'une personne à user de la
chose, rien ne permet de prouver qu'elle est la seule à l'avoir fait. À l'analyse, une
conclusion aussi drastique ne convainc pas, car l'ubiquité n'empêche en rien de satisfaire
les conditions d'application de la notion (A). L'argument qui sous-tend le rejet
de l'institution est tellement ancré dans la nature des choses qu'il n'est même pas
envisagé comme tel. Évidente en matière de biens topiques, l'exclusivité de la possession
est susceptible de faire défaut en fait de biens ubiquistes, si bien qu'il faut en
faire une condition adventice de la notion (B).
A. LES CONDITIONS CLASSIQUES DE LA POSSESSION
DU BIEN UBIQUISTE
409. Objectivisme et subjectivisme de la possession.L'opposition de la
6,
volonté du propriétaire et de la nature de la chose est à ce point structurante en droit
des biens qu'elle fût au cœur d'une célèbre controverse opposant JHERING et SAVIGNY
articulée autour de la question de la primauté du corpus ou de l'animus dans la notion
de possession. Ramenée à l'étude du bien ubiquiste, la controverse se mue en consensus,
puisque l'on a pu nier, en doctrine, l'applicabilité de la possession sur ces deux
fondements. Pourtant, à l'analyse, ni la notion de corpus (1), ni celle d'animus (2)
n'empêchent l'application de la notion.
1. Le corpus possessoire
410. Conception classique du corpus. La limitation classique de la propriété
aux biens corporels devait nécessairement entraîner celle de la possession7, celle-ci
ayant d'abord servi à faire acquérir celle-là8. Intimement liées, les deux notions
contribuèrent longtemps à circonscrire réciproquement leurs champs9. Bien que les
6. F. C. VON SAVIGNY, Traité de la possession en droit romain, Bruxelles, Bruylant, 1866 ; R. VON JHERING,
Études complémentaires de l'Esprit du droit romain, t. 3, Du rôle de la volonté dans la possession :
critique de la méthode juridique régnante, Paris, Marescq, 1891.
7. Vº ainsi, G. CORNU, Droit civil : introduction, Paris, Montchrestien, 1997, no
1679 : « ne donnant
par hypothèse aucune prise à une appréhension, au pouvoir brut d'une détention matérielle, ces meubles
incorporels sont soumis à des régimesjuridiquesfort divers, mais dont le trait commun, par une différence
spécifique avec les meubles corporels, est de nefaire aucune part à la possession ». Plutôt qu'une corrélation,
il y aurait même lieu d'établir un lien de causalité entre ces aspects, dans la mesure où la possibilité
d'une emprise physique a longtemps conditionné celle d'une emprise juridique. Partant, le champ de la
possession a contribué à définir celui de la propriété.
8. Vº ainsi, W. DROSS, « Le singulier destin de l'article 2279 », RTD Civ., 2006, p. 27.
9. Pourtant, à les tenir pour irrémédiablement liées, il aurait semblé logique que l'inclusion des biens
incorporels dans le champ de la propriété ait pour effet d'étendre corrélativement celui de la possession. Le
rapport des institutions semble n'avoir lieu qu'en sens unique : si l'on admet que la propriété puisse avoir
une chose incorporelle pour objet, on se refuse encore bien souvent à considérer l'hypothèse d'un corpus
possessoire immatériel. Notons qu'àl'autre extrémité du lien de puissance exercé sur la chose par la personne,
il n'a jamais été exigé que celle-ci soit elle-même " matérielle " ou, pour le dire de manière plus
appropriée, physique. La possession des personnes morales en témoigne avec force, puisque ces dernières
ne peuvent posséder que par l'intermédiaire de leurs représentants. Vº ainsi, A. HEISSER, Étude sur les personnes
morales en droit romain, dans l'ancien droit et en droitfrançais moderne, Paris, A. Marescq, 1871,
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