Bibliothèque de droit privé - Tome 623 - L'ubiquité des biens - 409

LA PERTINENCE DE LA REQUALIFICATION IMMOBILIÈRE
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ses utilités38.L'autonomie qu'elle leur confère allant jusqu'à permettre leur existence
autonome, il faut convenir, compte tenu de l'observation précédente, qu'une telle
observation remet assez largement en cause l'idée d'une équivocité naturelle de la
possession des biens intellectuels. La possibilité d'ériger les utilités de la chose ubiquiste
en biens à part entière implique nécessairement que chacune d'entre elles
puisse faire l'objet d'une possession distincte. Qu'il s'agisse du cumul de droits de
propriété intellectuelle de natures différentes sur un même bien ubiquiste ou de la
division de ce dernier en multiples objets de propriété, correspondant à des utilités
distinctes de la chose, l'ubiquité permet de concilier des situations qui, à l'égard des
biens topiques, s'avéreraient nécessairement conflictuelles. Tout comme il est possible
de ne posséder qu'une parcelle d'un terrain plus vaste39, la possession d'une
utilité particulière n'emporte pas celle de la chose entière. Partant, la pluralité de possesseurs
n'est pas davantage une cause d'équivocité en matière foncière qu'ubiquitaire.
Il n'y a guère que lorsque les velléités de possessions concurrentes porteront
non seulement sur la même assiette, mais encore sur le même titre que l'on pourra
exciper d'un vice d'équivocité. En donnant prise à plusieurs titres de propriété sur la
même chose, l'ubiquité réduit l'antagonisme des droits40 et devrait, dès lors, permettre
plus largement l'admission de la pluralité de possesseurs. Ainsi, en cas de cession
partielle de l'œuvre, cédant et cessionnaire seront tous deux possesseurs, sans que la
concomitance de leur maîtrise ne la rende équivoque. Il en va de même en cas de
cumul de protection. Le propriétaire au titre de la marque peut posséder utilement
malgré l'exploitation simultanée de l'œuvre au titre du droit d'auteur41. En somme,
les principes tirés du droit commun n'amènent pas tant à exclure a priori l'application
de la possession qu'à lui donner, tout au contraire, plus de facilité.
Toutefois, l'objection s'adresse naturellement à la situation dans laquelle deux
usages concomitants portent sur un même bien au même titre. Sur ce point, il convient
de remarquer que la possession n'est pas plus équivoque en matière de biens ubiquistes
qu'elle ne peut l'être à l'égard des autres biens. En effet, un tel vice ne peut être
apprécié qu'in concreto, ce qui signifie que la possibilité d'une possession concomitante
ne saurait suffire à disqualifier définitivement le recours à l'institution. Autrement
dit, si l'ubiquité des biens n'implique pas nécessairement la mise en échec des
conditions classiques de la possession, il nous semble en revanche qu'elle permet de
mettre au jour une condition implicite de celle-ci. L'exclusivité de la possession,
38. Cfsupra,no
176 et s.
39. Cass. 3e civ., Burst c/Gény, 4 octobre 2000, nº 98-23.150, Bull. civ. III, nº159, p. 111.
40. Pour qu'il y ait antagonisme, il faudrait non seulement établir la correspondance substantielle des
prétentions en cause, mais encore leur identité au plan spatial. Ainsi, au plan international, la possession
d'un brevet français ne devrait emporter aucune conséquence sur une possession identique réalisée dans un
autre État.
41. La possibilité de posséder la chose ubiquiste selon un régime de propriété intellectuelle particulier,
alors même qu'elle serait déjà appropriée par ailleurs, paraît au moins aussi hétérodoxe que l'hypothèse
du cumul de propriétés lui-même. L'article L. 711-3 du Code de la propriété intellectuelle apporte un début
de réponse à la question en disposant qu'une marque ne peut être enregistrée si elle «porte atteinte à des
droits antérieurs ayant effet en France ». Pour peu que l'on considère l'enregistrement comme un acte de
puissance sur la chose et, par conséquent, comme une manifestation de la possession de cette dernière, il est
permis de voir dans cette règle l'application d'un principe plus général selon lequel on ne saurait posséder,
selon un régime particulier de propriété intellectuelle, un bien ubiquiste d'ores et déjà approprié selon un
autre de ces régimes. Au vrai, c'est moins le régime que la nature du droit qu'il faut considérer : dans la
mesure où le droit de propriété est par nature exclusif, l'exercice des prérogatives conférées par un régime
doit valoir à l'encontre de tous les autres.

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