Bibliothèque de droit privé - Tome 625 - Quasi-contrat et enrichissement injustifié - 193

L'UNJUST ENRICHMENT EN DROIT POSITIF
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205. Un cas troublant. - Les negotiating damages ou Wrotham Park damages.
Il existe toutefois un cas où des damages ont été accordés en raison de la violation
d'un contrat, mais qui ne correspond pas exactement à la logique des décisions
Blake ou Esso. Ce cas est d'autant plus troublant que contrairement aux affaires précitées,
la nature de ces damages, entre compensatory ou restitutionary392, prête
encore à débats, même après une récente décision de la Cour suprême. Tout commence
par l'affaire Wrotham Park393. Un noble avait décidé de vendre une partie de
ses terres, en échange l'acquéreur s'était engagé à ne pas construire sur une partie du
terrain sans l'accord du vendeur. Le vendeur était, en effet, toujours propriétaire d'un
terrain voisin et ne souhaitait pas être incommodé par des constructions. En dépit de
son engagement, l'acquéreur n'avait pas respecté cette obligation et avait érigé plusieurs
constructions sur le terrain. La destruction des constructions n'a cependant pas
été accordée. Les juges ont en effet considéré la demande de destruction disproportionnée,
car les constructions n'avaient pas affecté la valeur du terrain appartenant
toujours au vendeur. À la place, les juges ont décidé d'octroyer des damages. Cependant,
le calcul de ces damages est assez original. Les juges sont pourtant partis d'un
point de départ connu s'agissant d'un breach of contract, à savoir la situation dans
laquelle le cocontractant se serait trouvé s'il n'y avait pas eu d'inexécution du
contrat394. Toutefois, il est ici estimé que la meilleure façon de les calculer est de
prendre en considération la somme qu'aurait acceptée le cocontractant pour libérer
l'autre partie de son obligation, donc pour l'autoriser à construire395.L'incertitude
sur ces damages fut telle que la doctrine les nomma Wrotham Park damages. Ces
damages sont toujours d'actualité, une décision de la Cour suprême britannique
ayant en 2018 accordé des damages de ce type, qu'elle requalifie cette fois de negotiating
damages.
206. L'affaire Morris Garner. Dans l'affaire Morris Garner396, la Cour ne qualifie
pas directement ces negotiating damages, mais elle les présente comme une autre
manière d'évaluer la perte du contractant et non comme un moyen de restituer un
profit à ce dernier397. À vrai dire cette qualification de negotiating damages est ambiguë,
voire trompeuse, car elle laisse penser que leur attribution repose sur des négociations
fictives. Autrement dit, s'il était établi que les parties ne seraient jamais
392. Certains auteurs y voient des restitutionary damages, notamment J. EDELMAN, op. cit., nº 14037
et A. BURROWS, p. 635-638, d'autres au contraire sont en faveur de la qualification de compensatory
damages, voir les références citées par A. BURROWS et notamment le point de vue du professeur Stevens
(A. BURROWS, op. cit., p. 638-640), voir également J. SENU, « Negotiating Damages and the Compensatory
Principle », Oxford Journal ofLegal Studies, Vol. 40, Issue 1, March 2020, p. 110-131.
393. Wrotham Park Estate Co. Ltd. v Parkside Homes Ltd. and Others, (1974) 1 WLR 798, pour une
analyse de cette décision voir notamment Y.-M. LAITHIER, th. préc., nº 446.
394. Wrotham Park, déc. préc., l'opinion du juge Brightman, 815, « the general rule would be to
measure damages by reference to that sum which would place the plaintiffs in the same position as if the
covenant had not been broken " . Ce qui fait ainsi pencher la balance vers la qualification de compensatory
damages, au moins du point de vue des juges ayant rendu la décision.
395. Ibid., « such a sum of money as might reasonably have been demanded by the plaintiffs from
Parkside as a quid pro quo for relaxing the covenant " .
396. One Step (Support) Ltd v. Morris-Garner, (2018) UKSC 20, (2018) 2 WLR 1353, dans les faits
d'anciens dirigeants d'une société ont violé leur engagement de non-concurrence, la société demande donc
des damages pour cette inexécution et le débat porte sur la manière dont il revient de les calculer.
397. Ibid. nº 91 : « There are certain circumstances in which the loss for which compensation is due is
the economic value of the right which has been breached, considered as an asset. The imaginary negotiation
is merely a tool for arriving at that value. The real question is as to the circumstances in which that value
constitutes the measure of the claimant's loss " .

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