Bibliothèque de droit privé - Tome 625 - Quasi-contrat et enrichissement injustifié - 303

LES « CONDITIONS JURIDIQUES » DE L'ENRICHISSEMENT INJUSTIFIÉ
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est pourtant indispensable pour éviter les débordements de l'action d'enrichissement
injustifié, dont les conditions « économiques » offrent des limites bien faibles. Si l'on
s'en tient aux dispositions du Code et à l'appréciation générale selon laquelle l'absence
de justification est caractérisée dès lors qu'aucune obligation ou règle de droit
n'impose le transfert de l'enrichissement, il est effectivement difficile de trouver une
cohérence. Si l'absence de justification est a priori une condition essentielle, la notion
reste assez mystérieuse. L'absence de définition (A) a permis à une partie de la doctrine
de proposer une extension de cette condition à l'absence de justification de l'appauvrissement
(B).
A. L'ABSENCE DE DÉFINITION
339. Le passage de l'absence de cause à l'absence de justification. Il ne sera
pas ici question de revenir sur les débats anciens et fort nombreux sur la manière
d'appréhender l'ancienne condition d'absence de cause et notamment sur ces liens
avec la cause contractuelle5. Depuis que l'ordonnance du 10 février 2016 a supprimé
la cause, jusque dans l'enrichissement injustifié, il n'est pas nécessaire de s'attarder
sur ces débats, qui sont par ailleurs connus et qui n'ont en réalité eu que très peu
d'influence sur la manière d'appréhender la notion d'absence de justification6.
L'abandon du concept de cause a eu pour conséquence que la condition d'absence
de justification est désormais éclatée en deux dispositions, l'article 1303-1 sur la justification
de l'enrichissement7
et l'article 1303-2, sur la justification de
l'appauvrissement8. Cet éclatement a fait regretter à certains l'abandon de la cause,
les dispositions actuelles démontrant une certaine incohérence9. Il nous semble cependant
que cette disparition ne change que peu de choses et fait simplement apparaître
l'absence de cohérence qui a toujours existé auparavant, en dépit de la notion unique
de cause. Le Code civil se contente dorénavant d'établir une liste des hypothèses où
l'enrichissement est injustifié sans en donner une définition globale. Le seul changement
par rapport à la situation antérieure est qu'il sera plus difficile pour les juges de
trouver une nouvelle cause à l'enrichissement, si elle ne correspond pas à un cas
prévu par la loi. Cette réduction de l'absence de justification par rapport à la notion
précédente d'absence de cause est, nous semble-t-il, plutôt bienvenue en ce qu'elle
empêche d'utiliser abusivement cette notion. Il est également appréciable que le
au mileu du XXe siècle, Études offertes à Georges Ripert, T. II, LGDJ, 1950, p. 237 s. ; M.-L. DINH, th.
préc., nº 180 s.
5. Voir notamment A. ROUAST, art. préc., qui tente un rapprochement entre la cause en matière de
contrat et la cause de l'enrichissement sans cause, sur ces débats voir aussi P. CONTE, « Faute de l'appauvri
et cause de l'appauvrissement : réflexions hétérodoxes sur un aspect controversé de la théorie de l'enrichissement
sans cause », RTD. civ. 1987.223 s.
6. Voir notamment J. BEATSON, E. SCHRAGE (ed.), op. cit., p. 333, « The quest for a definition of
cause has been confused by the natural desire of doctrinal writers, in the interest of elegance, to give the
word the same meaning as it bears in the classical theory of contract namely that of counterpart (...) But on
examination this appears to add nothing to the requirement of enrichment and impoverishment. It is safer,
even if it is inelegant, to leave contractual cause out of the picture and to ask only what cause means in the
context of unjustified enrichment ».
7. Article 1303-1 : « L'enrichissement est injustifié lorsqu'il ne procède ni de l'accomplissement
d'une obligation par l'appauvri ni de son intention libérale ».
8. Aticle 1303-2 : « Il n'y a pas lieu à indemnisation si l'appauvrissement procède d'un acte accompli
par l'appauvri en vue d'un profit personnel. L'indemnisation peut être modérée par le juge si l'appauvrissement
procède d'une faute de l'appauvri ».
9. Voir notamment F. CHENEDE, op. cit., nº 134.22.

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