Bibliothèque de droit privé - Tome 625 - Quasi-contrat et enrichissement injustifié - 343

LES ÉLÉMENTS ESSENTIELS DE L'ENRICHISSEMENT INJUSTIFIÉ
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actions en soulignant pleinement les spécificités de chacune, qui protègent des intérêts
différents. L'action en revendication n'ad'autre objet que de récupérer le bien entre les
mains d'un possesseur non propriétaire27, le demandeur propriétaire souhaitant précisément
retrouver l'usage d'un bien en particulier. L'action en revendication protège ainsi
le droit de propriété dans sa substance. En revanche, l'enrichissement injustifié n'a in
fine vocation qu'à préserver le patrimoine du demandeur. Peu importe que le demandeur
récupère effectivement le bien ou non, il souhaite avant tout en récupérer sa
valeur28. Cette donnée implique au moins deux conséquences et il est étonnant de constater
que ce lien entre préservation du patrimoine et enrichissement injustifié, qui est
loin d'être nouveau29,n'a pas incité à creuser davantage les différences entre l'action
en revendication et l'enrichissement injustifié. Elle permet en premier lieu de justifier la
nature personnelle, et non réelle, de l'action en restitution de l'enrichissement injustifié.
Cette action ne vise qu'à protéger contre les atteintes au patrimoine du demandeur et
n'est donc accordée que contre celui qui a porté atteinte à ce patrimoine30.Elle permet
en second lieu de comprendre pourquoi, au vrai, le transfert de propriété importe peu.
Dès lors que la valeur associée à une chose a été appropriée par un autre, sans le
consentement du demandeur, ce dernier peut disposer d'une action en enrichissement
injustifié. Aussi, le demandeur dispose d'un choix entre l'action en revendication, s'il
souhaite retrouver la possession de ce bien31,et l'action en restitution de l'enrichissement
injustifié, s'il souhaite simplement recouvrer la valeur de ce bien et préserver ainsi
l'état de son patrimoine32. Cependant, et tout particulièrement s'agissant du transfert
d'un bien autre qu'une somme d'argent, l'obligation de restituer l'enrichissement peut
avoir des conséquences néfastes sur le défendeur. En ce cas, il pourrait notamment être
contraint de vendre un de ses biens pour s'acquitter de cette obligation. Il faudrait alors
reconnaître la possibilité pour le défendeur de faire obstacle à l'action en restitution de
l'enrichissement injustifié par la remise de la chose, si elle est toujours en sa possession
et sous réserve qu'une remise soit encore possible33.
386. Conséquences sur l'identification du défendeur à l'action. Si on combine
les éléments précédemment évoqués avec la nouvelle notion d'enrichissement,
limitée à un gain positif, il est possible de déterminer avec plus de précision le potentiel
défendeur à l'action. Étant donné que l'action est de nature personnelle et qu'elle
ne vise pas à récupérer un bien en particulier, par principe, le défendeur désigné ne
devrait être que celui qui s'est approprié en premier l'enrichissement34. Cela exclut
27. Voir notamment J. DUBARRY, th. préc., nº 827.
28. Même si ce droit à la valeur d'un bien tient avant tout au droit de propriété initial, mais il suffit
que le demandeur ait eu un droit de propriété initial, qu'il l'ait perdu ou non par la suite, la protection
s'expliquera avant tout par la désappropriation involontaire du demandeur (sur l'importance de l'absence
de volonté voir infra nº 406 et s.).
29. Ce lien était déjà bien présent chez Aubry et Rau (voir supra nº 41), et ce lien est encore affirmé
dans la doctrine contemporaine (voir notamment F. TERRE, P. SIMLER, Y. LEQUETTE, F. CHENEDE,
op. cit., nº 1299 ) mais il reste presque sans conséquence. Cela tient toutefois, nous semble-t-il, au fait
que l'enrichissement injustifié de lege lata ne présente que très peu de cohérence.
30. Sur la nature personnelle de l'action, voir infra nº 457.
31. En ce cas naturellement, il devra établir qu'il n'y a pas eu de transfert de propriété.
32. En ce cas, il est indifférent que le bien ait été effectivement transféré en propriété au défendeur, à
partir du moment où il s'en est approprié la valeur.
33. Ce qui ne sera évidemment pas possible lorsque le bien du demandeur a été mélangé à un autre
bien appartenant au défendeur, cela relève classiquement en droit français du domaine de l'accession dont
les liens avec l'enrichissement injustifié renouvelé seront abordés plus loin, voir infra nº 464 et s.
34. Sur la nature personnelle, voir infra nº 457.

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