Bibliothèque de droit privé - Tome 625 - Quasi-contrat et enrichissement injustifié - 345

LES ÉLÉMENTS ESSENTIELS DE L'ENRICHISSEMENT INJUSTIFIÉ
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l'enrichissement injustifié pourrait être étendu au-delà et s'étendre à des cas où un
enrichissement peut être relié, de manière certaine et exclusive, à une personne, sans
que le demandeur ait nécessairement un droit de propriété dessus41.
388. Conséquences sur l'auteur du transfert de l'enrichissement. Il n'est pas
inintéressant de présenter ce mode d'enrichissement séparément, de l'enrichissement
par transfert de la chose, même si les mêmes règles s'appliquent à ces deux modes. Ce
mode d'enrichissement montre que l'identité de l'auteur du transfert n'a pas une grande
incidence. Il importe peu que l'enrichissement ait été transféré directement par le demandeur
au défendeur, ou que le défendeur se soit approprié l'enrichissement à l'insu du
demandeur. De fait, les cas où le défendeur s'est approprié un enrichissement appartenant
au demandeur concernent surtout ceux où le défendeur s'est approprié un fruit ou
un produit d'un bien appartenant au demandeur. Deux exemples peuvent être évoqués.
L'exemple le plus simple est la violation d'un droit de propriété intellectuelle, lorsqu'une
personne utilise une œuvre (une photographie ou une peinture) à des fins commerciales
sans l'autorisation de l'auteur. Les bénéfices retirés par le tiers ne sont pas « retirés » du
patrimoine de l'auteur, mais résultent de la diffusion de l'œuvre par le tiers. Cette logique
se retrouve également lorsque le véritable créancier d'une obligation monétaire souhaite
obtenir la restitution des sommes versées à un autre, ce qui en pratique correspond au cas
où une même créance a été mobilisée plusieurs fois42. Concrètement cela suppose
qu'une créance ait été cédée une première fois à un cessionnaire - le demandeur - puis
que le cédant la cède une seconde fois à un second cessionnaire, le défendeur. Si le
défendeur notifie en premier sa créance au débiteur cédé, alors le paiement réalisé est
valable et le demandeur ne peut plus exiger paiement auprès du débiteur cédé. Mais, il
est possible de considérer que le demandeur dispose d'un recours contre le défendeur,
second cessionnaire, qui a reçu paiement de la créance à la place du demandeur.
389. L'article 1325 du Code civil : une application de l'enrichissement
injustifié ? Avant l'ordonnance de 2016, il n'existait pas de solution claire en la
matière, puisque la répétition de l'indu ne pouvait être utilisée, le demandeur n'étant
en ce cas pas le solvens. En effet, le demandeur est, dans cette hypothèse, simplement
celui qui aurait dû recevoir paiement, mais non celui qui a payé. Des doutes existaient
également sur la possibilité de recourir à l'enrichissement sans cause, notamment en
raison de l'exigence d'un appauvrissement43 ou éventuellement des conditions d'absence
de justification44 ou de subsidiarité45. Depuis 2016, l'article 1325 du Code civil
41. Voir infra nº 397 et s., sur la nécessité d'un droit exclusif, qui concerne en premier chef un droit
de propriété mais qui pourrait être étendu, par analogie, à certains droits de la personnalité, notamment le
droit à l'image. Il faut toutefois toujours un enrichissement de la part du défendeur, seulement au lieu
d'exiger que le lien entre le demandeur et l'enrichissement soit un lien de propriété initial, cela pourrait
être étendu à des droits liant également de manière exclusive cet enrichissement au demandeur.
42. S'agissant du cas d'une double mobilisation de créances, il n'est pas nécessaire d'adhérer à la théorie
de la propriété des créances ou à celle de la titularité ; dans les deux cas, la « propriété » de la créance ou sa
titularité assure, en principe, au créancier le droit exclusif de recevoir paiement et c'est tout ce qui importe du
point de vue de l'enrichissement injustifié. Il n'est donc pas nécessaire de revenir sur ce débat.
43. La jurisprudence a en effet tendance à appréhender l'appauvrissement de telle manière que seul
ce qui a été transféré par le demandeur peut être indemnisé, (voir supra nº 306). Or par hypothèse le premier
cessionnaire n'a rien transféré au second, le second cessionnaire ayant reçu paiement à la place du
premier cessionnaire.
44. Le second cessionnaire pouvant arguer que la cession conclue, même en second, justifie le paiement
reçu par le débiteur.
45. Il serait ici possible d'arguer que le premier cessionnaire dispose déjà d'une action contre le
cédant, qui a mobilisé deux fois sa créance, et qu'ainsi, la condition de subsidiarité n'est pas remplie.

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