Bibliothèque de droit privé - Tome 625 - Quasi-contrat et enrichissement injustifié - 59

RÉCEPTION DU DROIT ROMAIN PAR LES DROITS DE TRADITION CIVILISTE
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quelqu'un s'enrichisse aux dépens d'autrui »47. Pothier emploie ainsi l'adage romain
pour en faire le fondement de l'obligation, alors qu'en droit romain cette maxime
n'avait qu'une simple valeur explicative et ne permettait en aucun cas de fonder à
elle seule une obligation48. Il va tout de même moins loin que l'École du droit naturel,
et en particulier Grotius, car il ne fait pas de l'enrichissement injustifié une source
d'obligation à part entière. Dans son traité des obligations, Pothier semble donc ranger
l'enrichissement injustifié dans la catégorie de l'obligation légale. Il faut toutefois
préciser que cette position n'est pas toujours très claire dans ses autres traités, car dès
lors qu'il fait référence à l'enrichissement injustifié, il se contente de l'associer à
l'équité, qui peut être aussi bien le fondement des quasi-contrats que de l'obligation
légale... Il semble néanmoins qu'il faille trancher en faveur de l'obligation légale ne
serait-ce que pour une raison historique. Les juristes romains n'ayant jamais connu
l'enrichissement injustifié comme source d'obligation, l'association avec les quasicontrats
n'a jamais pu être établie. Aussi, il faut retenir un critère traditionnel pour
distinguer les quasi-contrats de l'obligation légale et ne pas se fier aux définitions
particulièrement larges de ces deux catégories. La répartition se fait donc ainsi : les
actions déjà qualifiées de quasi-contrat ainsi que celles qui s'en rapprochent demeurent
dans cette catégorie, alors que les nouvelles actions, qui n'ont pas été envisagées
en droit romain et qui ne peuvent se rattacher à une catégorie préexistante, doivent
être rangées dans la catégorie d'obligation légale. En dépit de cette ambiguïté, il est
en revanche certain que Pothier ne fondait pas les quasi-contrats sur l'enrichissement
injustifié et qu'il dissociait ce cas de la gestion d'affaires.
2. L'influence du droit naturel
51. Le contexte général (1). - La répétition de l'indu. Pour mieux comprendre
la distinction que Pothier établit entre enrichissement injustifié et gestion d'affaires,
il est intéressant d'examiner la manière dont Pothier appréhende la répétition de
l'indu. C'est, en effet, le seul quasi-contrat qu'il rattache expressément à l'idée d'enrichissement
injustifié. Ce que le droit français retiendra plus tard sous l'appellation de
répétition de l'indu est envisagé par Pothier sous les qualifications romaines de promutuum
et de condictio indebiti. La distinction que Pothier fait entre promutuum et
condictio indebiti n'est qu'assez superficielle, les mêmes règles s'appliquant en
grande partie aux deux cas. La différence tient à l'objet de l'action : alors que le promutuum
ne s'applique qu'aux sommes d'argent et aux choses fongibles, la condictio
indebiti a, elle, un champ plus large puisqu'elle concerne tous les cas où « quelqu'un a
payé par erreur à un autre, non seulement une certaine somme d'argent, ou une certaine
quantité de choses fongibles, qui est le cas du promutuum, mais généralement
quelque chose que ce soit, qu'il croyait par erreur devoir »49. Le fondement est pourtant
dans les deux cas le même, le principe selon lequel nul ne peut s'enrichir au
47. Ibid. Cet exemple est à vrai dire assez troublant car Pothier envisage également le cas des femmes
mariées dans les quasi-contrats... Il explique ainsi qu'elles « peuvent de cette manière être obligées envers
les autres, et obliger les autres envers elles, sans être autorisées de leurs maris : car la loi, qui leur défend de
s'obliger ni de rien faire que dépendamment de leurs maris et avec leur autorité, n'annulle que ce qu'elles
feroient sans son autorité, et non pas les obligations qui sont formées sans aucun fait de leur part »
(R.-J. POTHIER, op. cit., p. 53).
48. Voir supra nº 30.
49. BUGNET, Œuvres de Pothier, T. 5, Contrats de bienfaisance, 2e
éd., H. Plon, Cosse et Marchal,
1861, p. 101-103.

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