Bibliothèque de droit privé - Tome 625 - Quasi-contrat et enrichissement injustifié - 97

DES QUASI-CONTRACTS ÀL'UNJUST ENRICHMENT
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restitution88. Les restitutions sont donc non seulement distinguées de la compensation
d'une perte mais également de la réalisation d'une promesse, ce qui explique, aussi,
que le remboursement d'un prêt ne soit jamais analysé comme un cas de restitution et
appartienne pleinement au droit des contrats89. Les restitutions impliquent une remise
en état et visent à placer le demandeur dans la position qui aurait dû être la sienne s'il
n'y avait eu aucun transfert. Néanmoins, plutôt que de se placer du côté du demandeur,
pour mesurer sa perte, les restitutions se placent du côté du défendeur, pour
mesurer ce qu'il a reçu.
89. La préférence actuelle pour l'expression unjust enrichment. Les importantes
contributions de la doctrine, qui ont peu à peu dégagé un régime et une cohérence
à cette troisième source d'obligation, ont dissipé les derniers doutes qui pouvaient
subsister à propos de l'unjust enrichment. Accusé au début du XXe
,d'être
une expression trop vague qui pourrait être instrumentalisée pour statuer en équité90,
la mise en exergue de la spécificité de cette source d'obligation, à savoir la restitution
d'un enrichissement transféré involontairement au défendeur, a fini par convaincre de
l'utilité de l'unjust enrichment. À cela, il faut ajouter les limites assignées à l'unjust
enrichment, qui ne dispose pas d'une action générale, mais de différents faits générateurs
(appelés unjust factors), qui permettent au demandeur d'obtenir la restitution
d'un enrichissement dans les cas où le droit considère l'enrichissement comme
injuste, tels que l'erreur (mistake) ou la contrainte (duress)91. Ainsi, les juges anglais
ont formellement reconnu l'unjust enrichment comme une source d'obligation à part
entière dans la décision Lipkin Gorman v. Karpnale Ltd92, rendue en 1991 par la
House ofLords, qui statuait encore à l'époque en dernier recours, avant la création
de la Cour suprême93. Il faut noter que Lord Goff, co-auteur du premier traité sur le
restitution law, était également juge dans cette affaire. Par la suite, la plupart des
manuels ont également changé leur dénomination, selon le champ d'application
donné à leur ouvrage. Ainsi, Birks publia un manuel consacré exclusivement à l'unjust
enrichment, dont la seconde édition fut publiée en 2005, et le traité Goff& Jones
est désormais intitulé Unjust Enrichment, depuis la 8e
manuels des professeurs Burrows95
édition94. En revanche, les
et Virgo96 ont conservé l'appellation de law of
88. Il est possible de noter qu'il s'agit d'ailleurs de la position adoptée dans le Restatement anglais
consacré à l'unjust enrichment, qui présente les restitutions comme un moyen de reverser l'enrichissement
au demandeur, voir A. BURROWS (ed.), A Restatement ofthe English Law ofUnjust Enrichment, Oxford
University Press, 2012, p. 38.
89. Voir notamment A. BURROWS, op. cit., p. 12-13, « the very starting point is that the principle of
reversing an unjust enrichment is different from the principle of enforcing a promise. The principle against
unjust enrichment would simply not come into play where the court was enforcing a promise. This explains
why no textbooks on the law of restitution has ever included discussion of the obligation to repay a loan " .
90. Contrairement à ce que la distinction entre common law et equity pourrait laisser penser, les
juristes anglais regardent avec beaucoup de méfiance ce qui peut apparaître comme un jugement guidé
par de fair considerations (qui correspond davantage à la manière dont les juristes français entendent le
sens d'équité, en particulier dans l'expression statuer en équité). Cette méfiance explique l'aversion du
droit anglais pour les principes généraux dont le champ d'application ne serait pas très bien cerné et qui
pourrait potentiellement s'appliquer à des hypothèses illimitées et peu prévisibles.
91. Pour une présentation des unjustfactors voir infra nº 105 et s.
92. [1991] 2 AC 548 ; [1991] 3 WLR 10.
93. Qui a été créée par le Constitutional Reform Act 2005 et qui est entrée en fonction en 2009.
94. MITCHELL (C.), MITCHELL (P.), WATTERSON (S.), Goff & Jones, The Law of Unjust
Enrichment,8e éd., Sweet & Maxwell, 2011.
95. A. BURROWS, The Law ofRestitution, 3e
éd., Oxford University Press, 2011.
96. G. VIRGO, The Principles ofthe Law ofRestitution, 3e éd., Oxford University Press, 2015.

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