Hors collection - Régime général des obligations - 4e - 233

La cession de dette
dette ». Il est vrai qu'à lire ce texte, c'est le débiteur qui cède sa dette, le
créancier se bornant à donner son « accord », expression qui pourrait laisser
entendre qu'il ne devient pas à proprement parler partie au contrat de
cession lui-même50
. Pour autant, la rédaction de l'article 1327 est ambiguë
: dire que l'on peut céder avec l'accord signifie-t-il que cet accord est
nécessaire à l'opposabilité de l'opération ou à sa validité même ?
Cette deuxième interprétation a malheureusement pour elle de nombreux
arguments. D'abord, parce que si l'on peut céder « avec », c'est qu'àl'inverse
on ne le peut pas « sans » cet accord51
. En outre, le fait que les textes relatifs à
la cession soient essentiellement tournés vers la protection du créancier
pourrait conduire la jurisprudence à hypertrophier le rôle de ce dernier en
érigeant son accord en condition de validité du contrat de cession ; telle est
du reste la solution qui prévaut dans certains régimes spéciaux de cession de
contrat, où la cession non autorisée est frappée de nullité52
. Si une telle interprétation
venait à se confirmer, la cession de dette française serait beaucoup
plus rigide que la Schuldübernahme allemande53
. Aussi peut-on espérer que la
jurisprudence fera preuve de souplesse, et admettra qu'une cession n'ayant
pas reçu l'accord du créancier peut tout de même produire certains effets54
.
318. Valeur d'une cession convenue entre les débiteurs ? - En
pratique, la cession de dette sera souvent négociée d'abord entre le cédant
et le cessionnaire, avant d'être soumise, pour accord, au créancier. Or, si
l'on part du principe que l'accord du créancier cédé est une condition de
validité de la cession, on devrait pouvoir en déduire que, à lui seul, l'accord
des deux débiteurs est sans effet. Certains auteurs vont même jusqu'à
considérer que le cessionnaire, qui s'est pourtant accordé avec le
cédant pour assumer sa dette, pourrait se rétracter tant que l'acceptation
du créancier n'est pas intervenue55
. Mais on peut aussi considérer que
l'accord des débiteurs, à défaut de produire un quelconque effet à
50. La remarque peut également être faite à propos de la cession de contrat (art. 1216, v. infra,nº 367).
51. En ce sens, v. not. SIMLERP., « Cession de dette, cession de contrat », in ANDREUL. et FORTI V. (dir.), Le
nouveau régime général des obligations, 2016, Dalloz, p. 99 et s. spéc. p. 104 : « La formule claire de l'article
1327 paraît devoir en toute hypothèse l'emporter : l'accord du créancier a bien été érigé en condition
de validité de la cession de dette ».
52. V. not. en matière de cession de bail rural, Cass. ch. réunies, 7mars 1960, JCPN 1960, II, 11560, note
Ourliac P. et de JuglartM. ; D. 1960, jur. p. 349, note Savatier R.
53. En droit allemand, le créancier doit « autoriser » la cession, mais celle-ci procède d'un contrat valablement
conclu entre les deux débiteurs. Le créancier n'intervient en réalité que pour assurer l'opposabilité
de la cession, et non sa validité en tant que telle (GAUDEMETE., Étude sur le transport de dettes à titre particulier,
op. cit., p. 473 : « On en arrive à déclarer le transport réalisé par la convention du cédant et du cessionnaire
; mais, de même que la cession de créance ne devient, en droit français, opposable au débiteur qu'après
la signification ou l'acceptation par acte authentique ; de même la reprise de dette ne devient
opposableaucréancier quepar son adhésion »).
54. Comp. Cass. 1re
civ., 30 avr. 2009, nº 08-11093 (préc. supra, nº 304), affirmant « qu'une telle cession (de
dette) ne pouvait avoir effet à l'égard du créancier qui n'y avait pas consenti ». Rendu au visa de l'article
1165 ancien, et donc fondé sur l'effet relatif des conventions, cet arrêt semblait retenir une inopposabilité
et non une nullité.
55. En ce sens, SIMLERP., « Cession de créance, cession de dette, cession de contrat », CCC,mai 2016, dossier
8, nº 13 : « L'exigence de l'accord du créancier pour la validité de la cession a pour conséquence que le
cessionnaire peut récuser son propre consentement tant que le créancier n'a pas exprimélesien, ce quiest
choquant ». V. égal. SIMLERP., « Cession de dette, cession de contrat », op. cit., p. 106.
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