Hors collection - Régime général des obligations - 4e - 277

La novation et la délégation
un autre. Ainsi qu'il a déjà été vu, il semble que, dans le doute, la qualification
de cession de dette puisse être présumée (v. supra, nº 312).
392. Novation par changement de débiteur et délégation novatoire. - La doctrine
. Chacune
propose parfois de distinguer la novation par changement de débiteur d'une autre opération
fort proche : la « délégation novatoire » (art. 1337, al. 1, v. infra, nº 432 et s.)26
d'elles opère le remplacement d'un débiteur par un autre, tenu en vertu d'une obligation
nouvelle, mais elles ne seraient pas pour autant identiques. Première différence : la novation
peut constituer une opération bipartite convenue uniquement entre le nouveau débiteur
et le créancier sans intervention du premier débiteur (art. 1332, v. infra, nº 398), tandis
que la délégation novatoire est toujours une opération tripartite à laquelle intervient le
débiteur initial. Les auteurs insistent surtout sur une seconde différence : dans la novation,
le nouveau débiteur s'engagerait dans le but spécifique d'éteindre la dette de l'autre,
et cette extinction résulterait directement d'un accord intervenant entre ce nouveau débiteur
et le créancier ; tandis que dans la délégation novatoire, le nouveau débiteur s'engagerait
avant tout en considération de ses relations avec le premier débiteur, et non pour le
libérer. L'extinction de la dette du premier débiteur résulterait alors d'un accord passé
entre ce dernier et le créancier, et auquel le nouveau débiteur serait étranger.
L'ordonnance du 10 février 2016 ne consacre pas clairement cette distinction27
. Mais
elle laisse subsister, entre la novation par changement de débiteur et la délégation novatoire,
quelques différences de régime qu'avait pu relever la doctrine avant la réforme.
Ainsi, les textes sur la novation permettent au nouveau débiteur d'opposer au créancier
la nullité de l'obligation initiale (art. 1331, v. infra, nº 412), tandis que les textes relatifs à la
délégation posent un principe contraire d'inopposabilité des exceptions (art. 1336, al. 2,
v. infra, nº 449). De même, les textes relatifs à la novation se contentent d'énoncer que
la volonté de nover doit résulter « clairement » de l'acte (art. 1330), tandis que la volonté
du délégataire de libérer le délégant doit résulter « expressément » de l'acte (art. 1337,
al. 1er
).
393. Novation par changement de débiteur et cession de créance à titre de
paiement. - Il convient enfin d'évoquer une hypothèse qui se situe à mi-chemin entre
le changement de créancier et le changement de débiteur. Il s'agit du cas où un créancier
accepte de libérer son débiteur en échange de la cession, par ce dernier, d'une créance
qu'il détient lui-même contre un tiers. On voit là une « novation par changement de débiteur
», au motif que l'opération emporte remplacement de la dette initiale par une autre
obligation, laquelle pèse justement sur un autre débiteur. Cette analyse était courante au
XIX
e siècle28
, et se retrouve parfois sous la plume d'auteurs contemporains29
.C'est à elle
également que renvoie le législateur lorsqu'il affirme que l'acceptation d'un chèque par
un créancier n'entraîne pas novation (C. mon. fin., art. L. 131-67) : la règle signifie que
l'acquisition par le porteur du chèque d'un droit contre la banque tirée n'opère pas en
elle-même extinction de sa créance initiale contre le tireur.
commun de cinq ans (art. 2224) ; que la créance initiale ait été constatée par un titre exécutoire dont ne
sera pas assortie la nouvelle obligation, etc.
26. FRANÇOIS J., Les obligations, régime général, op. cit.,nº 127 et 632 et s.et s. ; MALAURIEP., AYNÈSL. et STOFFELMUNCKP.,
Droit des obligations, op. cit., nº 1474.
27. Qui peut du reste se discuter. L'effet de la délégation sur la relation entre le délégant et le délégué
dépend en effet du point de savoir si le délégataire libère ou non le délégant (art. 1339, v. infra,nº 442).
Dans ces conditions, peut-on encore prétendre que le délégué ne s'intéresse qu'àses relations avec le délégant
et qu'il ignore celles du délégataire avec le délégant ?
28. Ex. : TOULLIERC.-B.-M., Le droit civil français suivant l'ordre du Code, t. XVII, par Duvergier J.-B.,
Renouard J., 1835, nº 293 ; LAURENTF., Principes de droit civil français,t. XVIII, 3e
éd., 1878, Marescq ainé,
nº 318 in fine.
29. V. not. FRANÇOIS J., Les obligations, régime général,3e
éd., 2013, Economica, nº 346, selon qui ce montage
décrit est « parfaitement conforme à la définition de la novation par changement de débiteur ». V. égal.
FRANÇOIS J., Les opérations juridiques triangulaires attributives (stipulation pour autrui et délégation de créance),
op. cit., nº 219.
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