Hors collection - Régime général des obligations - 4e - 373

Le paiement
548. Objet du paiement (état de la chose et qualité de la prestation). - Lorsque
l'obligation payée porte sur la remise d'un corps certain (c'est-à-dire d'une chose individualisée,
par opposition à de la monnaie ou à une qualité de choses fongibles), l'article
1342-5 prévoit que « le débiteur [...] est libéré par sa remise au créancier en l'état,
sauf à prouver, en cas de détérioration, que celle-ci n'est pas due à son fait ou à celui de
personnes dont il doit répondre ». On doit ainsi comprendre que les risques de la chose
pèsent sur le créancier61
. La règle est identique à celle de l'ancien article 1245. Mais la
nouvelle rédaction est préférable en ce qu'elle indique plus clairement que c'est au débiteur
d'apporter la preuve que la détérioration ne lui est pas imputable (et non au créancier
de prouver qu'elle l'est)62
. Le Code précise encore de quelle « qualité » doit être la
prestation accomplie par le débiteur lorsque ce point n'est pas réglé conventionnellement.
Mais au lieu de le faire dans le chapitre relatif au paiement, comme c'était le cas
avant la réforme (art. 1246 anc.), il le fait au titre du « contenu du contrat » (art. 1166). Le
dispositif n'est d'ailleurs plus cantonné aux obligations de délivrance et peut donc aussi
bien s'appliquer aux prestations de service. Le critère à prendre en compte pour déterminer
cette qualité a lui aussi évolué. L'ancien texte reposait sur une approche objective :le
débiteur n'était pas tenu d'offrir une chose « de la meilleure espèce », mais ne pouvait pas
non plus en offrir une « de la plus mauvaise ». Le nouveau texte se veut plus subjectif:il
impose « une prestation de qualité conforme aux attentes légitimes des parties en considération
de sa nature, des usages et du montant de la contrepartie »63
.
549. Lieu et frais du paiement. - L'article 1342-6 reprend, en le simplifiant
beaucoup, l'article 1247 ancien, et prévoit que les obligations sont,
en principe, quérables : « À défaut d'une autre désignation par la loi, le
contrat ou le juge, le paiement doit être fait au domicile du débiteur »64
.
On dit alors que l'obligation est « quérable », car c'est le créancier qui
doit se déplacer au lieu d'établissement de son débiteur pour venir quérir
son paiement. La principale exception à ce principe concerne les obligations
monétaires, dont le paiement doit au contraire se faire au domicile
du créancier et qui sont donc « portables » (art. 1343-4, v. infra, nº 572). Le
texte suivant, article 1342-7, reprend quant à lui la règle selon laquelle
« les frais du paiement sont à la charge du débiteur », qui figurait déjà à
article 1248 ancien65
. Bien entendu, ces règles sont supplétives et les parties
peuvent les aménager à leur guise. On rappellera également que si
les frais sont accrus par l'effet d'une cession de la créance, le débiteur
n'aura pas à assumer ce surcoût et pourra en demander compte au cédant
et au cessionnaire (art. 1324, al. 3, v. supra, nº 191).
61. Ce texte doit être combiné avec le régime de la mise en demeure, qui a pour effet de mettre la chose
due au risque du débiteur (art. 1344-2, v. infra, nº 578), et avec la réglementation des contrats spéciaux, qui
régit également la responsabilité des personnes tenues à la restitution ou à la délivrance d'une chose (ex.
art. 1614 pour la vente ; art. 1882 et s. pour le bail ; art. 1933 pour le dépôt, etc.).
62. Le débiteur pourra-t-il s'en tirer en montrant simplement que la cause de la dégradation est inconnue ?
(pour une réponse affirmative, v. DESHAYESO., GÉNICONT. et LAITHIERY.-M., Réforme du droit des contrats, du
régime général et de la preuve des obligations, op. cit., p. 717).
63. On notera que ce n'est pas l'attente légitime du créancier qui est visée, mais celle des parties. La règle se
rapproche ainsi de celle qui prescrit d'interpréter le contrat « d'après la commune intention des parties »
(art. 1188). Mais le procédé est tout de même bien différent : il ne s'agit pas pour le juge de découvrir une
volonté commune (qui fait par hypothèse défaut), mais de compléter lui-même le contrat.
64. On peut relever deux différences avec l'article 1247 ancien : 1) ce dernier ne comportait pas de référence
au juge ; 2) il indiquait que le paiement d'un corps certain « doit être fait dans le lieu où était, au
temps de l'obligation, la chose qui en fait l'objet », et non au domicile du débiteur.
65. Ex. : frais de virement, frais de quittance, etc. En revanche, lorsque le créancier refuse indûment le
paiement qui lui est offert, les frais de mise en demeure, de consignation ou de séquestre pèsent sur lui
(art. 1345-3).
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