Bibliothèque constitutionnelle et de science politique - Tome 160 - Les actes nuisibles à la vie en société - 254

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LES ACTES NUISIBLES À LA VIE EN SOCIÉTÉ
fondamentalisme religieux, est d'une part, non seulement de nature à porter atteinte
aux convictions ou à l'absence de convictions religieuses des autres usagers de la
plage, mais ressenti par certains comme une défiance ou une provocation exacerbant
les tensions ressenties par la population à la suite de la succession d'attentats
islamistes subis en France »57
. À la lecture de cet extrait, il semble que le vivreensemble
aurait pu être invoqué par le juge. Il continue en affirmant que « les plages
ne constituent pas un lieu adéquat pour exprimer de façon ostentatoire ses convictions
religieuses ; que dans un État laïc, elles n'ont pas vocation à être érigées en
lieux de culte, et doivent rester au contraire un lieu de neutralité religieuse »58
.
Il semble toutefois que ce dernier argument soit sujet à caution dès lors que le
principe de laïcité n'a pas pour vocation d'interdire les signes religieux dans les
espaces publics. Par contre, le vivre-ensemble peut conduire à la relégation de signes
religieux, contraires aux règles élémentaires de la vie en société, alors reléguées à la
sphère privée de manière à assurer une vie en société apaisée. En l'occurrence, le
port du Burkini n'est pas un usage coutumier en France, en ce sens ce n'est pas - ou
plus - une manière habituelle de se vêtir pour aller se baigner, contrevenant au
« pacte de non-ostentation ». Par ailleurs, ce maillot démontre une volonté de l'individu
de s'abstraire de la communauté politique au profit de son appartenance à
une communauté religieuse nécessairement restreinte. En d'autres termes, le Burkini
ne porte atteinte ni à l'ordre public matériel, ni à la laïcité - à moins de vouloir faire
des espaces publics des lieux où s'applique la neutralité religieuse. En revanche, il
contrevient aux règles de vie en société qui trouvent à s'appliquer sur le sol français
et, corrélativement, il interroge le vivre-ensemble, surtout dans une période troublée
par des attentats terroristes menés au nom de principes religieux, qui ont affolé la
population et créé des tensions en son sein. Le vivre-ensemble aurait certainement
constitué un motif plus efficace pour interdire ce vêtement de bain communautaire,
de surcroît il est déjà qualifié de motif légitime par la Cour européenne des droits de
l'Homme pour justifier l'interdiction - relativement proche - du port du voile intégral.
Pour autant, cela aurait assurément conduit à porter atteinte à des droits et
libertés qui participent du libre développement de la personnalité et qui sont l'expression
de son autonomie. C'est pourquoi il reste à déterminer si l'utilisation du
vivre-ensemble peut être étendue au-delà de l'interdiction du port de vêtements qui
dissimulent le visage dans l'espace public.
484. Le Conseil d'État n'a pas souhaité donner une suite positive à cet interdit.
La juridiction, qui avait déjà exprimé en 2010 ses doutes quant à l'utilisation
d'un concept aussi flottant que « les exigences minimales et réciproques de la vie
en société », aurait eu des difficultés à admettre l'invocation du vivre-ensemble.
Force est de constater que, sans ce fondement, le dispositif ne semblait pas pouvoir
passer le contrôle de légalité. C'est pourquoi le Conseil d'État, dans une
ordonnance en date du 26 août 2016, a établi qu'en l'absence de troubles avérés à
l'ordre public, ou en l'absence de risques avérés de trouble à l'ordre public,
« l'émotion et les inquiétudes résultant des attentats terroristes, et notamment de
celui commis à Nice le 14 juillet dernier, ne sauraient suffire à justifier légalement
la mesure d'interdiction contestée »59
. Quant à l'absence totale de mention faite
57. Ibid.
58. Ibid.
59. Conseil d'État, 26 août 2016, Ligue des droits de l'Homme contre Villeneuve-Loubet, req.
n° 402742. Voir notamment : BON (P.), « Le burkini au Conseil d'État », RFDA, 2016, n° 6,

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