Bibliothèque constitutionnelle et de science politique - Tome 161 - Essai de modélisation de la justice constitutionnelle - 269

UN RECENTRAGE EN ACTION
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tri formel des QPC. Lorsque le filtrage apparaît comme un bouchon, il ne respecte
pas l'esprit qui commande à la procédure QPC35
évoqué, celui de la « résistance » de la Cour de cassation dans le cadre du contrôle
de la jurisprudence portant sur l'interprétation constante36
.
À l'origine se trouve un premier rejet de la part de la Cour de cassation, celui
. La Cour manifestait clairement « le refus de soumettre l'œuvre du juge au
». Le Conseil constitutionnel y
de permettre que son interprétation des lois puisse en elle-même faire l'objet de
QPC37
contrôle du Conseil constitutionnel », faisant de la jurisprudence « un territoire à
l'abri du contrôle du Conseil constitutionnel38
répondit en consacrant la possibilité de contester, à l'occasion d'une QPC, l'interprétation
d'une disposition législative telle que formulée par une jurisprudence
constante39
tance en procédant à un filtrage drastique par la suite40
jugeant, sans doute à bon droit, que la question posée ne pouvait porter sur une
jurisprudence seule, indépendamment de tout texte législatif41
. Plus contestables
sont les nombreuses décisions de rejet au motif : « qu'il n'existe pas, en l'état,
d'interprétation jurisprudentielle constante des dispositions législatives contestées42
Conseil
d'État, par exemple, entre le 1er
mars 2010 et le 1er
oct. 2017, près de 1 591 QPC ont été
enregistrées devant la juridiction suprême (chiffres donnés par B. Stirn, « Le non-renvoi des questions
prioritaires de constitutionnalité », préc.), dont 690 transmises par les juridictions inférieures et 901
posées directement - calcul effectué à partir du tableau statistique du Conseil d'État. Parmi elles, 361
ont été transmises au Conseil constitutionnel, 906 rejetées sur les critères du filtre et 324 jugées
irrecevables ou écartées pour d'autres raisons. Sur les 906 décisions de non-renvoi, 301 proviennent
des juridictions du fond (chiffres comptabilisés à partir du tableau fourni par le Conseil constitutionnel)
et 605 ont directement été posées devant le Conseil d'État. Cela signifie qu'une grande partie des
décisions transmises par les juridictions inférieures, jugées non dépourvues de caractère sérieux, n'ont
pas trouvé d'aboutissement devant le Conseil d'État, dans la grande majorité des cas, par absence de
caractère sérieux. Certes, la gradation matérielle des critères entre les deux filtres (de « non dépourvu
de caractère sérieux » à « sérieux ») participe à expliquer ces différences de traitement des QPC, mais
cela atteste également de la grande sévérité du filtre en matière de caractère sérieux.
36. Pour reprendre les termes de N. Molfessis, « La résistance immédiate de la Cour de cassation
à la QPC », Pouvoirs, n° 137, 2011/2, p. 83-99
37. Elle a ainsi pu juger, dès 2010, s'agissant de l'article 598 du CPP, que « la question ne présente
pas un caractère sérieux en ce qu'elle critique non pas l'article 598 du Code de procédure pénale mais
la théorie de la peine justifiée, élaborée à partir de cette disposition législative » (Cass., 19 mai 2010,
n° 09-87651 QPC, nous soulignons), position réitérée le même jour et par la suite (Cass. Ass,
19 mai 2010, 09-82582 QPC ; Cass., 19 mai 2010, nos
09-70.161, 09-83328, 09-87307 QPC).
38. N. Molfessis, « La jurisprudence supra-constitutionem », JCP G, 2010/42, 1039. Si le Conseil
d'État n'avait pas expressément adopté la position de principe de la Cour de cassation, en acceptant
d'examiner sur le fond l'interprétation de dispositions législatives, il n'avait jamais transmis de QPC en
la matière (CE, 18 juin 2010, n° 338638 QPC ou CE, 16 juil. 2010, SCI La Saulaie, n° 334665, rejetant
le caractère sérieux).
39. CC, n° 2010-39 QPC, 6 oct. 2010, Mmes
Isabelle D. et Isabelle B. [Adoption au sein d'un couple
non marié], Rec., p. 264.
40. Alors même que, dans un premier temps, les deux juridictions suprêmes ont semblé avaliser
la position du Conseil constitutionnel (voir notamment CE, 10 juin 2013, n° 36880 QPC, CE,
20 juin 2013, n° 366880 QPC, CE, 28 juil. 2017, n° 411454 QPC ou encore CE, 1er
Leb. ; et Cass. 3e civ., 30 nov. 2010, n° 10-16828 ; Cass. 3e
QPC ; Cass. 1re civ., 27 sept. 2011, n° 11-13488 QPC).
41. Cass. 1re civ., 27 sept. 2011 préc.
civ., 30 juin 2011, nos
42. Cass. com., 21 fév. 2012, n° 11-23097 QPC ; voir aussi Cass. com., 18 sept. 2012, nos
oct. 2018, n° 421941,
11-40017 et 11-40018
12-14584,
12-14401, 12-14632, 12-14595, 12-14597, 12-14598, 12-14624, 12-14625, 12-14648 QPC et Cass. crim.,
28 nov. 2012, n° 12-82292 QPC ; Cass. com., 19 oct. 2017, n° 17-11934.
» ; que la question portait exclusivement sur la jurisprudence « sous
35. À titre d'illustration, il est possible de raisonner à partir de quelques chiffres. S'agissant du
. Le juge suprême de l'ordre judiciaire fit de nouveau preuve de résis.
Il s'y prit, d'abord, en
. Un exemple peut être
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