Bibliothèque de droit public - Tome 326 - L'innovation dans les contrats de la commande publique - 278

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L'INNOVATION DANS LES CONTRATS DE LA COMMANDE PUBLIQUE
755. En revanche, si le contrat de concession avait été conclu à une époque
ou lorsque
, la Haute juridiction a jugé que la clause de privilège s'analysait « en un
où l'électricité avait « reçu des applications assez nombreuses et assez importantes
pour qu'elle dût entrer dans les prévisions communes des parties »89
« l'éclairage au moyen de l'électricité fonctionnait déjà dans les localités voisines
»90
droit de préférence à conditions égales » pour la distribution de l'électricité.
A l'appui de cette interprétation, il faut noter que dans l'arrêt Cie nouvelle du
gaz de Déville-lès-Rouen, le Conseil d'État relève que « le silence gardé [...] par
les premières conventions de 1874 est facile à expliquer et doit être interprété en
faveur de la Compagnie du gaz ; qu'il en est autrement du défaut de toute stipulation
dans le traité de prorogation intervenu en 1887, époque où l'éclairage au
moyen de l'électricité fonctionnait déjà dans des localités voisines ; [et] qu'à cet
égard les parties sont en faute de n'avoir pas manifesté expressément leur volonté,
ce qui met le juge dans l'obligation d'interpréter leur silence et de rechercher quelle
a été en 1887 leur commune intention ».
756. Ainsi, selon le professeur J. Dufau, ce serait en fonction du degré d'innovation
de la technique que devrait s'apprécier la connaissance qu'ont pu en
avoir les parties, ce qui influencerait la mutabilité du contrat. Le degré d'innovation
conditionnerait également l'existence d'une « faute » des parties qui justifierait
l'interprétation de leur commune intention. Le contrat ne pourrait être
modifié que si la technique est, en quelque sorte, dans une forme « d'entre-deux » :
elle peut être considérée comme une innovation puisqu'elle n'est encore appliquée
que de manière limitée mais elle n'est ni véritablement nouvelle (elle ne vient pas
d'entrer sur le marché), ni complètement opérationnelle.
757. L'interprétation du professeur J. Dufau fondée sur la commune intention
des parties est d'autant plus intéressante, à la lumière de la nouvelle réglementation
issue des directives européennes du 26 février 2014 en matière d'exécution des
contrats de la commande publique91
. Le contrat peut être vu comme un instrument
indirect de promotion de l'innovation (cf. infra section II). C'est en effet en prévoyant
les évolutions techniques que les parties pourraient les intégrer de manière
sécurisée au cours de l'exécution du contrat (cf. infra section II). En d'autres termes,
la commune intention des parties déterminait, dans une certaine mesure, la mutabilité
du contrat, elle en conditionne aujourd'hui l'évolutivité.
758. En tout état de cause, que la mutabilité des contrats de la commande
publique liée aux innovations techniques repose sur l'idée de circonstances nouvelles
d'intérêt général ou sur l'interprétation de la commune intention des parties,
les innovations jouent un rôle indéniable dans la mise en œuvre d'une mutation
des contrats de la commande publique. Elles en sont à l'origine et conditionnent
l'étendue du changement contractuel. Les notions d'innovation, de service public
et de contrats de la commande publique sont donc communément animées par un
dynamisme intrinsèque. La vivacité attachée à l'exécution des missions de service
public et à celle des contrats de la commande publique, en font, à cet égard, des
instruments de promotion de l'innovation. Toutefois, depuis plusieurs années,
l'adaptation du service public et des contrats de la commande publique aux
89. CE, 23 novembre 1906, Gaz de Pamiers, Revue concessions, 1907, p. 211.
90. CE, 10 janvier 1902, Cie nouvelle du gaz de Déville-lès-Rouen, préc.
91. Art. L. 2194-1 et suivants, art. L. 3135-1 et suivants du CCP ; art. R. 2194-1 et suivants du
CCP, art. R. 3135-1 et suivants du CCP.

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