Les Intégrales - Leçons pratiques de droit des contrats - 2e - 125

Cha p i t r e 3 - L a qu al i t é des con s en t eme n t s
La jurisprudence reconnaît aux personnes morales la faculté d'invoquer un vice du
consentement, aux conditions du droit commun21
des personnes habiles à engager la personne morale et elles seules22
.Et c'est bien dans le consentement
que les vices
s'apprécieront.
C'est ainsi qu'à un moyen qui faisait valoir que le vice de violence ne peut concerner que
« la violence exercée sur une personne physique », la Cour de cassation répondit que « le
consentement d'une société est exprimé par ses représentants légaux, personnes physiques
vis-à-vis desquelles la violence peut avoir effet »23
.
141 Plan. Lorsque le consentement n'est pas éclairé ou libre, lorsqu'il a été donné à la
suite d'une erreur, d'un dol ou d'une violence, il est vicié. Les vices du consentement
font l'objet de règles propres (§ II) et de règles communes (§ III).
§ I - Les règles communes à tous les vices
du consentement
142 Deux règles communes. Il existe deux règles communes à tous les vices du consentement,
qui tiennent au caractère déterminant du vice et à la nature de la nullité encourue,
qui est relative.
143 Caractère déterminant du vice.L'erreur, le dol et la violence vicient le consentement « lorsqu'ils
sont de telle nature que, sans eux, l'une des parties n'aurait pas contracté ou aurait
contracté à des conditions substantiellement différentes » (art. 1130). C'est donc à une
« recherche (...) au conditionnel passé »24
ne s'était pas mépris, s'il n'avait pas été trompé ou s'il n'avait pas subi de contrainte?
En premier lieu, le vice du consentement doit avoir été déterminant du consentement de
celui qui s'en plaint. Alors que ce caractère déterminant du vice devrait être apprécié cas
par cas, comment comprendre que l'article 1130 précise que le caractère déterminant
s'apprécie « eu égard aux personnes et aux circonstances dans lesquelles le consentement a
été donné » ? En effet, qu'apporte une telle précision s'il s'agit seulement de vérifier le
(21) V. par ex., Cass. 3e
civ., 3 mai 2018, Bull. civ. III, nº 48, au sujet de l'acquisition d'un bien par une société dont la
pièce principale était d'une superficie inférieure à 9 mètres carrés, en sorte qu'il ne pouvait être donné en location :
« ayant souverainement relevé qu'il résultait de l'acte authentique de vente que le bien vendu était loué et qu'en se
portant acquéreur du logement, la SCI entendait disposer de la pleine propriété du bien comprenant la possibilité
de le mettre en location, qu'il s'agissait d'une qualité essentielle de la chose vendue qui était entrée dans le
champ contractuel et qui avait été déterminante de son consentement, qu'elle n'avait pas la qualité de
professionnel de l'immobilier et que son erreur sur cette qualité essentielle du logement était excusable, la cour
d'appel (...) a pu en déduire que le consentement de la SCI avait été vicié et que la vente devait être annulée ».
Adde, au sujet d'un dol, CA Paris, 10 sept. 2009, RG nº 06/18863 : « le vice du consentement doit s'apprécier en
la personne du représentant ».
Certains arrêts pourraient paraître s'éloigner de cette directive. Il en va ainsi d'un arrêt dans lequel la Cour de
cassation a rejeté un pourvoi contre un arrêt ayant annulé pour dol une cession réalisée entre deux sociétés
représentées par la même personne physique (Cass. 3e
civ., 27 janv. 2015, nº 13-20974)... Il reste que le pourvoi
n'avait pas critiqué l'arrêt en soulevant l'« impossibilité » d'un dol dès lors que les consentements des deux
personnes morales à la cession étaient dérivés de ceux d'une même personne physique... Il reste que dans d'autres
arrêts, la question était plus franchement posée à la Cour de cassation. Ainsi au sujet de deux cessions successives
par une société d'un même bien au profit de deux sociétés distinctes, la question était posée de la mauvaise foi du
second acquéreur. La cour d'appel avait retenu la bonne foi du second acquéreur, alors que le vendeur et les deux
acquéreurs successifs étaient représentés par la même personne physique... D'après la Cour de cassation, pourtant,
«c'est dans l'exercice de son pouvoir souverain que la cour d'appel a estimé que la mauvaise foi [du second
acquéreur] ne pouvait être déduite du seul fait que [le vendeur], [le premier acquéreur] et [le second acquéreur]
avaient, lors des cessions successives, le même dirigeant ».
(22) Rappr. Cass. 3e
civ., 19 sept. 2019, nº 18-15398 : « lorsque l'emprunteur est une société civile immobilière, seule
celle-ci est créancière de l'obligation de mise en garde et non ses associés, même si ceux-ci sont tenus indéfiniment
des dettes sociales, et que le caractère averti de cet emprunteur s'apprécie en la seule personne de son représentant
légal et non en celle de ses associés ».
On peut néanmoins se demander si, chaque fois que l'acte a été passé par le représentant après y avoir été autorisé
par l'organe compétent (une assemblée par exemple), le vice ne devrait pas être également apprécié auprès de ce
dernier, ce qui soulèverait un certain nombre de difficultés (S. FRANÇOIS, op. cit., nº 356 s.).
(23) Cass. soc., 8 nov. 1984, Bull. civ. V, nº 423.
(24) G. CORNU, « Centenaire », D. 1959, p. 215 s., spéc. p. 219.
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qu'il faut se livrer : qu'aurait fait tel contractant s'il

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