Les Intégrales - Leçons pratiques de droit des contrats - 2e - 364

LEÇONS PRATIQUES DE DROIT DES CONTRATS
470 Distinction avec la réparation en nature ? Faut-il distinguer suivant que ce que
demande le créancier victime de l'inexécution est l'exécution de l'obligation originaire
(exécution en nature)ou la correction d'une exécution défectueuse de ladite obligation
(réparation en nature)146
l'exécution en nature est un droit pour le créancier (art. 1217147
CPC exéc., art. L. 111-1149
une faculté pour le juge151
)150
?L'enjeu de la distinction ne serait pas mince dès lors que
, 1341148
et
, alors que la réparation en nature est, dit-on parfois,
. La distinction manque pourtant en consistance et son
critère est fuyant : qu'est-ce qui peut bien justifier de distinguer la démolition ou la
reconstruction d'un ouvrage (exécution en nature) de sa remise en état (réparation en
nature) ?152
Comme on l'a fort bien dit, « rien n'invite à distinguer selon que la mesure satisfactoire ordonnée par le
juge afin de parvenir à l'exécution forcée en nature du contrat : toute mesure destinée à assurer l'exécution
du contrat et le respect des engagements souscrits constitue une mesure d'exécution forcée (...) » ; il
n'existe pas « de différence de nature entre les mesures que peut solliciter le créancier : qu'il s'agisse de
contraindre, stricto sensu, le débiteur à exécuter l'obligation originaire ou qu'il s'agisse d'ordonner une
mesure correctrice d'une exécution défectueuse, ou encore d'ordonner la cessation de l'illicite, ces
mesures visent toutes à satisfaire le créancier de l'obligation inexécutée et non à réparer un préjudice :
elles relèvent de l'exécution forcée en nature et doivent donc être soumises au même régime »153
.
471 Conditions de fond. Toute inexécution, sans condition de gravité, peut donner lieu à
une telle mesure. Toutefois, l'exécution en nature doit être possible et proportionnée.
S'agissant de la première condition, l'impossibilité peut être matérielle (ex. la chose
vendue a péri) juridique (ex. la chose vendue a été acquise par un tiers ayant acquis un
droit incontestable sur la chose154
nature porterait une atteinte excessive à sa liberté individuelle155
)ou morale(condamner le débiteur à s'exécuter en
).
(146) Ph. LE TOURNEAU et M. POUMARÈDE, « Pour en finir avec la responsabilité contractuelle », Études en l'honneur du
professeur JérômeHuet LGDJ, p. 269 s., spéc. p. 278 s.
(147) « La partie envers laquelle l'engagement n'a pas été exécuté, ou l'a été imparfaitement, peut (...) poursuivre l'exécution
forcée en nature de l'obligation. »
(148) « Le créancier a droit à l'exécution de l'obligation ; il peut y contraindre le débiteur dans les conditions prévues par
la loi. »
(149) « Tout créancier peut, dans les conditions prévues par la loi, contraindre son débiteur défaillant à exécuter ses obligations
à son égard. (al. 1) Tout créancier peut pratiquer une mesure conservatoire pour assurer la sauvegarde de
ses droits. (al. 2) L'exécution forcée et les mesures conservatoires ne sont pas applicables aux personnes qui bénéficient
d'une immunité d'exécution. (al. 3) ».
(150) Et v., avant la réforme, Cass. 1re
civ., 16 janv. 2007, nº 06-13983, Bull. civ. I, nº 19 : « en sollicitant le prononcé
d'une mesure visant à interdire, sous astreinte, la poursuite des actes de commercialisation entrepris par la société
Michel Lafon en méconnaissance de ses engagements, la société LGF n'avait fait qu'user de la faculté reconnue à
toute partie contractante de poursuivre l'exécution forcée de la convention lorsque celle-ci est possible, de sorte
que le prononcé d'une telle mesure, en ce qu'elle tendait à l'exécution forcée de la convention, relevait des
pouvoirs du juge du fond ».
(151) Cass. 3e civ., 16 juin 2015, nº 14-12548 : « ayant relevé que les conditions d'exécution du contrat et la dégradation
des relations entre les parties excluaient une réparation en nature [en l'espèce la reprise des travaux], la cour
d'appel a pu, sans statuer par un motif hypothétique, exclure la réparation en nature, et a souverainement fixé le
montant des dommages-intérêts alloués à M. X... au coût actualisé des travaux de reprise prescrits par l'expert » ;
Cass. com., 7 févr. 2012, nº 10-20937 : « après avoir retenu que la société EL froid et la société Rosenberg et Guillemet
avaient engagé leur responsabilité en étant défaillantes dans l'exécution de leur obligation de réaliser
l'objectif convenu, la cour d'appel, qui a constaté que le remplacement du four était la seule solution pour résoudre
le problème de circulation au sein des lieux, n'a ni procuré un enrichissement à M. X..., ni accordé à ce dernier une
indemnisation excédant le préjudice subi ».
(152) Ph. LE TOURNEAU et M. POUMARÈDE, « Pour en finir avec la responsabilité contractuelle », Études en l'honneur du
professeur JérômeHuet LGDJ, p. 269 s., spéc. p. 279.
(153) Ph. LE TOURNEAU et M. POUMARÈDE, « Pour en finir avec la responsabilité contractuelle », Études en l'honneur du
professeur JérômeHuet LGDJ, p. 269 s., spéc. p. 281.
(154) V., par exemple, art. 2276 al. 1 : « En fait de meubles, la possession vaut titre. »
(155) Ainsi, dans une décision du tribunal de grande instance de Paris du 8 novembre 1973 (D. 1975, p. 401, note
PUECH), les juges ont décidé qu'une strip-teaseuse ne pouvait être contrainte à s'exécuter, écartant l'idée que « la
femme, éventuellement revenue au sentiment naturel de la pudeur, pourrait se voir contrainte par le juge, au
besoin sous astreinte comminatoire ou définitive, à s'exposer nue à la vue du public ». Parfois, l'on peut éprouver
certaines difficultés à déterminer la nature de l'obligation de faire en question. Quid, ainsi de l'obligation du
peintre ? Il semble que l'on puisse distinguer : si l'on conçoit qu'un juge puisse contraindre une entreprise de
peinture à s'exécuter, l'on ne peut condamner un peintre à livrer une œuvre (CA Paris 4 juill. 1865, Rosa Bonheur,
DP1865, p. 201 : « en présence du refus formellement exprimé par Rosa Bonheur de réaliser son obligation de
faire [une peinture], il ne restait plus qu'à statuer sur les dommages-intérêts réclamés par Pourchet » ; adde CE,
28 janv. 1865, Pollet). Adde Cass. civ., 14 mars 1900, Whistler, DP, 1, p. 497 : « la convention par laquelle un
peintre s'engage à exécuter un portrait, moyennant un prix déterminé, constitue un contrat d'une nature spéciale,
en vertu duquel la propriété du tableau n'est définitivement acquise à la partie qui l'a commandé, que lorsque
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