Les Intégrales - Leçons pratiques de droit des contrats - 2e - 371

Cha p i t r e 11 - L ' i nexé c u t i on du con t r a t
En fin de compte, alors que la réduction de prix procède à une « adaptation de l'équilibre
contractuel » voulu par les parties, les dommages-intérêts ont pour effet de l'estomper,
chaque fois que cet équilibre ne correspondait pas aux valeurs du marché.
481 Mise en œuvre : réduction et suppression du prix ? La question de savoir si le créancier
peut supprimer le prix, le réduire à néant, se pose lorsque le débiteur n'a pas du tout
exécuté son obligation ou que l'ayant exécuté, l'exécution est à ce point défectueuse
qu'elle est sans valeur183
.
On ne peut répondre à cette question sans mettre en perspective la réduction du prix à
néant avec la résolution. S'agissant des effets, la différence essentielle tient à ce que
seule la résolution, non la réduction, donne lieu à des restitutions : la réduction du prix
à néant aurait donc le mérite de la simplicité. S'agissant des conditions, la gravité de
l'inexécution n'est pas une condition de la réduction de prix alors qu'elle en est une de
la résolution, sauf résolution prononcée en vertu d'une clause résolutoire. Toutefois, il
faut bien voir que si l'exécution est sans valeur, c'est, qu'a priori, elle est suffisamment
grave pour justifier la résolution... Tant et si bien qu'il semble qu'en pratique l'enjeu de
la question tient aux restitutions.
Cela étant, on ne voit pas quelle raison il y aurait de refuser une réduction de prix à
zéro184
; par ailleurs, si la réduction à zéro n'était pas permise, se poserait inévitablement
la question d'un seuil.
482 Mise en œuvre : intervention du juge ? La lettre de l'Ordonnance était très ambiguë185
et celle de la Loi de ratification le demeure. Depuis la Loi de ratification, l'article 1223
prévoit désormais :
« En cas d'exécution imparfaite de la prestation, le créancier peut, après mise en demeure186
et s'il n'a pas
encore payé tout ou partie de la prestation, notifier dans les meilleurs délais au débiteur sa décision d'en
réduire de manière proportionnelle le prix. L'acceptation par le débiteur de la décision de réduction de prix
du créancier doit être rédigée par écrit. (al. 1) Si le créancier a déjà payé, à défaut d'accord entre les
parties, il peut demander au juge la réduction de prix. (al. 2) ».
Même si cette modification n'a pas été considérée par le législateur comme étant
interprétative187
...
, il y a fort à parier qu'elle le soit par le juge, d'autant plus que la substitution
du terme « obtenir » au terme « solliciter » à l'article 1217 au sujet de la réduction
de prix, qui poursuit le même objectif, a quant à elle été jugée interprétative par le
législateur188
Disons-le d'emblée, la lettre du nouveau texte reflète peut-être encore moins que celle de
l'ancien texte la volonté du législateur, dès lors que celle-ci est de permettre au créancier
(183) Nous ne disons pas « sans intérêt pour le créancier » : une prestation dépourvue d'intérêt pour le créancier peut
néanmoins en présenter pour d'autres...
(184) En ce sens, Fr. CHÉNÉDÉ, « La réduction du prix », RDC2017/3, nº 13. Certaines juridictions l'ont d'ailleurs admis en
appliquant la Convention de Vienne, lorsque l'exécution défectueuse privait de tout intérêt le contrat pour la victime
(P. SCHLECHTRIEM et Cl. WITZ, Convention deVienne sur les contrats de vente internationale de marchandise, Dalloz,
2008, nº 270). Outre le fait que la contravention doit être « essentielle » pour justifier la résolution, celle-ci ne peut
être mise en œuvre que dans un délai raisonnable (art. 49, 2).
(185) Dans sa version issue de l'Ordonnance, l'article 1223 prévoyait : « Le créancier peut, après mise en demeure,
accepter une exécution imparfaite du contrat et solliciter une réduction proportionnelle du prix. (al. 1) S'il n'a pas
encore payé, le créancier notifie sa décision de réduire le prix dans les meilleurs délais. (al. 2) ».
(186) Il ne peut être question pour le créancier de se satisfaire d'une exécution non conforme et d'imposer ce faisant une
réduction de prix au débiteur. Le créancier doit laisser à ce dernier la chance de s'exécuter conformément à ce qui
était prévu. C'est là une fonction primordiale de la mise en demeure (v. supra, nº 456). Comp. G. CHANTEPIE et
M. LATINA, La réforme du droit des obligations (Commentaire théorique et pratique dans l'ordre du Code civil),
Dalloz, 2e
éd., 2018, nº 643.
(187) Art. 10 et 16, I, al. 2 L. ratif.
(188) V. supra, nº 451.
371
Les Intégrales - Leçons pratiques de droit des contrats - 2e

Table des matières de la publication Les Intégrales - Leçons pratiques de droit des contrats - 2e
