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LEÇONS PRATIQUES DE DROIT DES CONTRATS
échues. C'est précisément la preuve de l'existence de cette dernière obligation qui fait difficulté, en ce
qu'elle découle successivement d'un acte (le contrat de fourniture) et d'un fait juridique (la
consommation)1
.
553 Deux systèmes. Il existe deux systèmes de preuve : le système de la preuve légale,
suivant lequel c'est la loi qui fixe les modes de preuve admissibles et leur force probante
et le système de la preuve morale, suivant lequel ce n'est pas la loi, mais le juge, qui fixe
les modes de preuve admissibles et leur force probante.
Le droit français des contrats retient les deux systèmes : le système de la preuve légale en
droit commun et le système de la preuve morale en droit commercial, sous réserve de
quelques aménagements.
Droit spécial : de la preuve en droit commercial2
En droit commercial, c'est le système de la preuve morale qui est retenu : la loi ne fixe ni
les modes de preuve admissibles (1), ni leur force probante (2).
(i) S'agissant des modes de preuve admissibles, la loi prévoit qu'« [à] l'égard des commerçants,
les actes de commerce peuvent se prouver par tous moyens à moins qu'il n'en soit
autrement disposé par la loi » (C. com., art. L. 110-33
).
La possibilité de prouver par tout moyen4
a pour corollaire l'éviction des dispositions
traditionnelles qui régissent la preuve en matière civile : notamment, les articles 1359
alinéa 2 (on ne peut prouver outre un écrit et contre un écrit autrement que par écrit)5
1375 (double original pour les contrats synallagmatiques)6
du montant de l'engagement en chiffres et en lettres)7, et 1377 (date certaine)8
, 1376 (mention manuscrite
.
En revanche, l'article 1378, qui prévoit que les « registres et documents que les professionnels
doivent tenir ou établir ont, contre leur auteur, la même force probante que les
écrits sous signature privée (...) »9
, concerne au premier chef les commerçants, même s'il
s'applique à tous les professionnels. Ainsi un acheteur pourra établir une vente à partir
des livres de commerce du vendeur, même si elle n'a pas été constatée par un acte sous
signature privée. Et en vertu de l'article L. 123-23 du Code de commerce, la « comptabilité
régulièrement tenue peut être admise en justice pour faire preuve entre commerçants
,
(1) La preuve par une machine - tel un compteur - est admise par la Cour de cassation au titre de présomption
(Cass. 1re
civ., 28 janv. 2003, nº 00-17553, Bull. civ. I, nº 26 : « Si la société France Télécom devait prouver
l'existence et le montant de sa créance, en application de l'article 1315, alinéa 1er, du Code civil, elle bénéficiait, à
ce titre, d'une présomption résultant du relevé des communications téléphoniques. » ; adde Cass. 1re
1995, nº 92-16270 ; Cass. 1re civ., 7 mars 2000, nº 98-12397, Bull. civ. I, nº 81). Une telle solution se justifie en
civ., 28 mars
opportunité par la difficulté qu'il y aurait à rapporter autrement une telle preuve. Au surplus, alors même qu'on y
verrait une preuve faite par soi-même - malgré l'intervention d'une machine -, il faut rappeler que le principe
suivant lequel nul ne peut se faire de preuve à soi-même est inapplicable à la preuve des faits juridiques
(Cass. 1re
civ., 13 févr. 2007, nº 05-12016, Bull. civ. I, nº 60 ; Cass. 3e
21057, Bull. civ. III, nº 52 ; Cass. 2e
civ., 3 mars 2010, nº 08-21056 et 08civ.,
6 mars 2014, nº 13-14295, Bull. civ. II, nº 65), laquelle est libre.
(2) Il convient d'observer qu'en dehors de la sphère commerciale, certains usages peuvent admettre le principe de la
liberté de preuve. V., en matière agricole, la vente d'aliments pour le bétail (Cass. com., 22 mars 2011, nº 0972426,
Bull. civ. IV, nº 50).
(3) Nous soulignons.
(4) Cass. req., 5 mars 1894, DP1894, 1, p. 168 : « la preuve par témoins et conséquemment par présomptions est
admissible en matière commerciale, quel que soit l'intérêt du litige, et (...) les juges peuvent en puiser les éléments
dans les faits et les circonstances dont l'appréciation leur appartient ».
(5) Cass. req., 25 nov. 1903, DP1904, 1, p. 183 : « la preuve testimoniale ou par présomptions est admissible en
matière commerciale, même pour prouver contre et outre le contenu des actes » et « l'appréciation des éléments de
preuve rentre dans le pouvoir souverain des juges du fond » ; Cass. com., 21 nov. 1995, nº 93-20893 : « en matière
commerciale, il peut être prouvé contre l'écrit par tous moyens ».
(6) Cass. com., 24 nov. 2009, nº 08-20549.
(7) Cass. com., 12 mai 1998, nº 95-15355, Bull. civ. IV, nº 150.
(8) Cass. com., 17 mars 1992, nº 90-10694, Bull. civ. IV, nº 121 : « n'étant pas soumis aux exigences de l'article 1328
du Code civil, l'acte litigieux faisait foi de sa date par lui-même sauf [au tiers] à apporter par tout moyen la preuve
contraire ».
(9) L'article poursuit « mais celui qui s'en prévaut ne peut en diviser les mentions pour n'en retenir que celles qui lui
sont favorables ».
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