Les Intégrales - Leçons pratiques de droit des contrats - 2e - 96

LEÇONS PRATIQUES DE DROIT DES CONTRATS
une enveloppe vide, c'est à lui de « prouver que celle-ci était vide et non pas à l'expéditeur
d'établir que l'acte notifié était contenu dans cette enveloppe »238
.
D'autres décisions ne font pas cette distinction byzantine et retiennent qu'« il appartient
au destinataire, qui conteste le contenu de l'envoi, d'établir l'absence du document
l'informant de la modification intervenue »239
.D'ailleurs, la distinction est difficilement
praticable : que décider lorsque l'expéditeur prétend avoir envoyé plusieurs documents
et que l'expéditeur prétend n'en avoir reçu que certains d'entre eux ?240
.
b - Cas particulier du contrat conclu en la forme électronique
92 Distinction - plan. La détermination du processus de conclusion du contrat en la forme
électronique est l'œuvre de la directive nº 2000/31/CE du 8 juin 2000 relative à certains
aspects juridiques des services de la société de l'information et notamment du commerce
électronique, dans le marché intérieur, transposée par la loi nº 2004-575 du 21 juin
2004 sur la confiance dans l'économie numérique (LCEN), dont les dispositions qui
nous intéressent ont été transposées dans le Code civil.
Deux procédures doivent être distinguées suivant que le contrat est conclu via un site
internet dédié d'un vendeur ou d'un prestataire de service professionnel (α)ou qu'il ne
l'est pas (β).
α) Le contrat conclu via un site internet dédié d'un vendeur ou d'un prestataire
de service professionnel
93 Trois temps. Les articles 1125 et 1127-2 organisent une procédure de conclusion du
contrat qui s'impose aux parties, à moins qu'elle n'ait été écartée par elles à la condition
qu'elles soient toutes deux professionnelles (art. 1127-3 al. 2).
Dans un premier temps, aux fins d'information du client, l'offrant met à disposition des
clients potentiels ses conditions contractuelles qui le lient tant qu'il ne les a pas retirées
(les fameuses conditions générales de vente ou de service) (art. 1127-1).
Dans un deuxième temps, le destinataire de l'offre doit avoir eu « la possibilité de vérifier
le détail de sa commande et son prix total et de corriger d'éventuelles erreurs avant de
confirmer celle-ci pour exprimer son acceptation définitive », afin que le contrat soit valablement
conclu (art. 1127-2 al. 1). C'est donc le vendeur ou prestataire de service qui a
la qualité d'offrant. L'acceptation par le client se réalise en deux temps : par la
commande et par la confirmation de la commande - règle du « double clic »241
.
(238) Cass. 1re
(239) Cass. 2e
civ., 15 juill. 1993, nº 92-04092.
civ., 15 déc. 2011, nº 10-26618. Adde Cass. 2e
civ., 6 nov. 2014, nº 13-23568 : « il appartient au destinataire
d'un envoi recommandé qui en conteste le contenu, d'établir l'absence des documents annoncés ».
(240) Cass. com., 27 mai 2003, nº 00-16413 : « la banque fait grief à l'arrêt d'avoir confirmé l'ordonnance du jugecommissaire
ayant rejeté sa créance alors, selon le moyen, qu'en cas de déclaration de créance effectuée sous
enveloppe, par lettre recommandée avec accusé de réception, il appartient au liquidateur destinataire de prouver
qu'elle était vide, et non pas à l'expéditeur de prouver que l'acte de déclaration était contenu dans cette enveloppe ;
(...) en décidant le contraire, après avoir constaté, d'une part que M. X... avait reçu l'envoi recommandé de l'exposante,
en vertu de l'accusé de réception en date du 3 août 1986 et, d'autre part, que cet envoi concernait bien les
redressements judiciaires des sociétés Sopralu et ADF, M. X... ayant reconnu être en possession de la déclaration
de la banque au passif d'ADF, la cour d'appel a inversé la charge de la preuve et violé les articles 1315 du Code
civil et 667 du nouveau Code de procédure civile ; Mais attendu qu'après avoir relevé que la banque a produit la
lettre de transmission et les bordereaux de déclaration de créances à l'encontre des deux sociétés et que le représentant
des créanciers a prétendu avoir reçu une seule déclaration de créance concernant la société ADF, l'arrêt
retient, sans inverser la charge de la preuve, que la banque ne démontre pas que l'envoi recommandé du 30 juillet
1986 contenait également la déclaration de créance au passif de la société Sopralu ».
(241) Certains acteurs de l'e-commerce proposent parfois des procédés différents du double-clic. Ainsi est-il parfois
proposé au client de contracter en un seul clic, quitte à pouvoir revenir sur sa décision pendant un certain temps.
Il reste que si ce système a été mis en place, c'est probablement pour éviter les « fuites » d'acheteurs après le
« premier clic ». Or si le système du clic unique permet d'éviter en partie au moins cette fuite, c'est qu'il est moins
protecteur des utilisateurs et sa conformité aux règles légales pourrait être discutée. Un même constat pourrait être
fait avec d'autres techniques de commercialisation, telles que les « Dash Buttons » virtuels d'Amazon.
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