Bibliothèque de droit social - Tome 81 - Le juge et l'accord collectif de travail - 105

L'INTERPRÉTATION JUDICIAIRE DE L'ACCORD COLLECTIF : PERSPECTIVE EXTERNE
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Son effet ensuite. Cet avenant interprétatif présente un caractère rétroactif :
il « s'impose avec effet rétroactif à la date d'entrée en vigueur de ce dernier accord
aussi bien à l'employeur et aux salariés qu'au juge qui ne peut en écarter l'application
». L'effet rétroactif de l'avenant interprétatif remonte, par principe, à la
date où la disposition qui fait l'objet du litige est entrée en vigueur. Il s'y substitue,
la clarifie, mais ne doit pas en modifier le sens. Il doit en préciser le sens, et par là,
la lumière étant faite par les parties à l'accord, il s'impose à la fois à l'employeur
et aux salariés, mais aussi au juge qui doit s'en remettre à l'éclairage apporté par
les parties. L'obscurité ayant été dissipée, et ce, par la commune intention des
parties, le juge s'estime lié. Mais la Haute Cour veille. L'avenant ne doit ni ajouter
ni opérer une quelconque modification à la disposition litigieuse. Le juge ne se
sent pas lié par la qualification donnée par les parties à l'avenant. Il va opérer une
comparaison entre le texte initial et l'avenant, et va apprécier si l'avenant conclu
modifie ou non la disposition initiale en cause. Si tel est le cas, la qualification
d'avenant de révision s'impose et celui-ci ne produira d'effet que pour l'avenir76
.
La Cour de cassation a précisé, dans un attendu de principe, la notion d'avenant
interprétatif et en a donné une définition, reprenant et transposant sa propre
définition déjà énoncée à propos des lois interprétatives77
: « [a]ttendu qu'un
accord ne peut être considéré comme interprétatif qu'autant qu'il se borne à
reconnaître, sans rien innover, un état de droit préexistant qu'une définition
imparfaite a rendu susceptible de controverse »78
. Ainsi, l'avenant interprétatif est
celui qui fait la lumière sur l'obscurité de la disposition conventionnelle en cause,
mais sans rien ajouter. Peut-on réellement envisager qu'un avenant soit strictement
interprétatif, au sens où il n'ajouterait en rien à la disposition originelle ? Un
avenant peut-il faire la lumière sur le sens d'une disposition conventionnelle sans
jamais rien modifier, sans jamais rien y ajouter ou y retrancher ? Interpréter, c'est
assigner une signification au texte. Il s'agit pour l'interprète, quel qu'il soit, de
codéterminer le sens du texte, d'en parachever le sens. En cela, peut-on considérer
28 décembre 2000, il ne pouvait être appliqué rétroactivement à la salariée qui avait quitté l'entreprise
avant la conclusion de cet avenant ; Et attendu ensuite qu'interprétant l'article 3 de l'accord du
28 décembre 2000 au regard de la commune intention des parties et de la portée nécessaire de ce texte,
l'arrêt, qui n'a pas dénaturé les conclusions de la société, n'encourt pas les critiques du moyen ».
76. Cass. soc., 18 mars 2008, n° 07-41.813, Bull. civ. V, n° 66, voir notamment G. Auzero, « Seul
un avenant interprétatif à une convention collective s'impose de manière rétroactive », Lexbase
Hebdo, éd. Sociale, n° 299 : « Mais attendu qu'ayant relevé que l'article 9.3.2 de l'accord du
22 décembre 1998 signé entre l'Union nationale des industries de carrières et matériaux de construction,
d'une part, et la Fédération des travailleurs de la céramique, des carrières et matériaux de construction
CGT-FO, d'autre part, autorisait un employeur à mettre à la retraite un salarié âgé de moins de
soixante-cinq ans sous réserve que ce salarié puisse bénéficier d'une pension de vieillesse à taux plein
versée par la sécurité sociale et qu'il puisse faire liquider sa pension de retraite complémentaire sans
abattement, et qu'aux termes de l'avenant conclu entre les mêmes parties le 21 mars 2001 et qualifié
par elles d'interprétatif, la pension de retraite complémentaire doit s'entendre de celle acquise au titre
des tranches A et B, à l'exclusion de celle acquise au titre de la tranche C qui ne peut être liquidée avant
l'âge de soixante-cinq ans, la cour d'appel a décidé à bon droit que cet avenant modifie les conditions
de mise à la retraite des salariés cadres cotisants au titre de la tranche C, qu'il est dès lors dépourvu de
caractère interprétatif et ne peut s'appliquer à une mise à la retraite prononcée antérieurement ».
77. Voir notamment : Cass. soc. 13 mai 1985 n° 84-60.728 ; Cass. soc. 8 juin 2011
n° 09-67.051 : « Mais attendu qu'une loi n'est interprétative qu'autant qu'elle se borne à reconnaître,
sans rien innover, un droit préexistant qu'une définition imparfaite avait rendu susceptible de
controverse ».
78. Cass. soc., 4 févr. 2015, n° 14-13.646. Voir notamment : F. Canut, « Définition de l'avenant
conventionnel interprétatif », CSBP 2015, n° 272, p. 169 ; V. Roulet, « Qualification et portée
rétroactive d'un avenant interprétatif à un accord collectif », Lexbase hebdo, éd. Soc. 2015, n° 602.
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