Bibliothèque de droit social - Tome 81 - Le juge et l'accord collectif de travail - 141

LA REPRÉSENTATION DE L'ACCORD COLLECTIF DE TRAVAIL COMME ACTE
collective applicable sont « privées d'application »54
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, et sont remplacées par les
clauses correspondantes de l'accord collectif. Les dispositions de la convention
collective, dès lors qu'elles sont plus favorables que celles du contrat de travail,
s'appliquent de façon directe et aussi de façon immédiate. Ainsi, les clauses des
contrats individuels de travail portant sur le même objet que la convention collective
et moins favorables sont suspendues, privées d'effet, tout le temps où la
convention collective est applicable. La suspension est temporaire, car la clause
contractuelle retrouve tous ses effets si les dispositions conventionnelles contraires
cessent d'être applicables. C'est bien la force de la convention ou accord collectif,
son effet obligatoire, qui trouve une traduction au sein de cette jurisprudence. Les
clauses de l'accord collectif s'imposent donc de façon automatique et immédiate
au contrat de travail, sauf si les stipulations de ce dernier sont plus favorables.
195. Principe de non incorporation de l'accord collectif au contrat individuel.
Qu'en est-il lorsque les normes conventionnelles viennent à disparaître ? Se sontelles
incorporées au contrat ? La jurisprudence a répondu par la négative. L'accord
collectif de travail régit les contrats individuels avec un effet impératif, mais
sans s'incorporer à ceux-ci. Dans les arrêts Le Méridional et Bilaine des 3 mars
1965 et 21 juin 1967, la chambre sociale a rejeté en effet formellement l'incorporation
des clauses de la convention collective dans le contrat de travail, affirmant
que les dispositions de la convention collective dénoncée55
ou mises en cause56
ne
s'incorporent pas au contrat individuel de travail. Les clauses de la convention
collective ne remplacent pas celles du contrat individuel. La convention collective
régit les contrats de travail comme une loi le ferait, mais dès lors que la convention
collective ne produit plus effet, le salarié cesse de pouvoir s'en réclamer. Le rejet
de l'incorporation des clauses de l'accord collectif au contrat individuel de travail
est en réalité une implication de son effet normatif. Le choix de la non-incorporation
de l'accord collectif au contrat de travail procède d'une vision règlementaire
de l'accord collectif. En effet, si la vision retenue était celle de l'accord collectif en
tant que contrat, les clauses de l'accord collectif s'incorporeraient au contrat individuel
de travail, car il serait considéré comme leur équivalent. La loi du 11 février
1950 avait consacré l'effet impératif de la convention collective : lorsque l'employeur
est lié par les clauses de la convention collective de travail, ces clauses
s'appliquent aux contrats de travail conclus avec lui. La convention collective s'est
émancipée du contrat de travail.
196. Enseignements. A partir des années 1950, l'analyse de la jurisprudence
laisse à voir une évolution majeure dans la représentation de l'accord collectif de
travail par la chambre sociale de la Cour de cassation. L'évolution de la jurisprudence
témoigne de ce que l'accord collectif est alors appréhendé comme une loi
au sens matériel, constat qui vaut par ailleurs quel que soit son niveau de conclusion
ou son caractère étendu, élargi ou non. Les magistrats lui reconnaissent un
véritable effet normatif qui se manifeste à la fois par la reconnaissance sans plus
de réserve de son effet erga omnes, ainsi que par la consécration de son effet impératif.
L'accord collectif est reconnu comme un acte normateur. Manifestement, la
loi du 11 février 1950 a permis véritablement à la chambre sociale de la Cour de
54. Cass. Soc., 30 janv. 1958, JCP 1958 II 10850.
55. Cass. Soc., 3 mars 1965, Bull. civ., 1965, IV, n° 180.
56. Cass. Soc., 21 juin 1967, Bull. civ., 1967, IV, n° 493, Dr. soc., 1968, p. 177, observations
J. Savatier.

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