Bibliothèque de droit social - Tome 81 - Le juge et l'accord collectif de travail - 156

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LE JUGE ET L'ACCORD COLLECTIF DE TRAVAIL
214. L'arrêt Briou du 22 janvier 1998109
a complété cette jurisprudence et a
mis fin aux interrogations sur la portée de l'engagement en termes de maintien de
l'emploi. Dans cette affaire, des accords d'établissement avaient été signés, qui
avaient pour objet, en contrepartie de l'acceptation par les salariés d'une réduction
de leur rémunération, de « favoriser » le maintien de l'activité sur un site.
Mais, malgré ces accords, l'employeur a procédé à la fermeture de ce site. La disposition
conventionnelle est appliquée à la lettre. Les magistrats de la Cour de
cassation ont estimé qu'il s'agissait là d'un engagement précis, portant sur le
maintien d'une activité sur le site. L'employeur devait respecter cet engagement et
ne pouvait décider de cette fermeture sans négocier d'abord la révision de l'accord
comportant cet engagement. La force obligatoire de l'engagement est fondée
notamment sur l'article 1147 (ancien) du Code civil. En effet, l'engagement de
maintien de l'emploi est à l'origine d'une obligation dont l'inexécution donne lieu
à application de l'article 1147 (ancien) du Code civil, relatif à la responsabilité
contractuelle, et qui permet d'octroyer aux salariés une indemnisation au titre de
la violation de l'obligation contractée.
215. Conflit de norme et accord donnant-donnant. Une autre question relative
aux accords donnant-donnant s'est posée, dont la solution s'est avérée éclairante
quant à la représentation de ces accords : celle de l'appréciation de la disposition
la plus favorable lorsqu'un accord donnant-donnant était en cause dans un conflit
de normes. Dans l'affaire ayant donné lieu à la jurisprudence Géophysique du
19 février 1997110
, en vertu de la jurisprudence Basirico, l'avenant portant révision
de l'accord n'ayant pas été signé par toutes les organisations syndicales de salariés
signataires de l'accord initial était parfaitement valable, et pouvait être invoqué
par les salariés concernés par l'accord. Néanmoins, le texte initial demeurant
applicable, les salariés pouvaient continuer à se prévaloir des dispositions plus
favorables prévues par ce texte. Plusieurs dispositions conventionnelles pouvaient
donc être applicables, il fallait déterminer lesquelles étaient les plus favorables
pour les salariés. Le juge avait à opérer une comparaison des avantages prévus par
ces textes pour déterminer lequel devait trouver à s'appliquer. La comparaison
devait se faire selon deux directives : la comparaison devait être opérée par
groupes d'avantages ayant le même objet ou la même cause111
et l'appréciation
devait être réalisée globalement, c'est-à-dire en se référant à la situation de l'ensemble
des salariés et non à celle de certains d'entre eux112
. Dans l'affaire Géophysique,
les juges ont dû se positionner sur la méthode à adopter pour apprécier la
disposition la plus favorable lorsqu'un accord donnant-donnant était en cause
dans le conflit de normes. Se posait spécifiquement la question de l'appréciation
des avantages à comparer et de la possibilité ou non d'isoler un avantage - apparemment
réduit - de la contrepartie accordée (en termes de maintien de l'emploi).
Fallait-il considérer que, dans ces accords, l'avantage et sa contrepartie forment
un bloc indivisible ? Un accord collectif de 1980 avait instauré le paiement d'une
prime semestrielle. À la suite de difficultés économiques, un nouvel accord collectif
- signé par une partie seulement des signataires de l'accord initial - est intervenu
en 1986 prévoyant la suppression jusqu'au 31 décembre 1988 de la moitié de
109. Cass. Soc., 22 janv. 1998, Briou, n° 95-45.400, Bulletin 1998 V N° 29 p. 22, Dr. soc. 1998,
p. 376, note G. Couturier.
110. Cass. Soc., 19 févr. 1997, n° 94-45.286, Géophysique, Dr. Soc. 1997, p. 432, obs. G. Couturier.
111. Ass. Plén. 18 mars 1988, D. 1989, p. 211, note J.-P. Chauchard.
112. Cass. Soc., 11 janv. 1962, Bull. civ. IV, n° 54, Dr. soc. 1962, p. 290, note J. Savatier.
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