Bibliothèque de droit social - Tome 81 - Le juge et l'accord collectif de travail - 305

LE JUGE FACE À L'ACCORD COLLECTIF : UNE MISE EN RETRAIT ?
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de travail est assurée, sans qu'un choix individuel du salarié puisse la remettre en
cause. Le Conseil constitutionnel, dans une décision du 15 mars 2012178
à propos
de l'article 45 de la proposition de loi Warsmann, a admis que la loi peut prévoir
la prévalence de l'accord collectif sur le contrat de travail dès lors qu'il s'agit de
répondre à un motif d'intérêt général. Le Conseil constitutionnel a estimé par
ailleurs par la suite que le législateur poursuit effectivement des buts d'intérêt
général lorsqu'il entend « [...] assurer une plus grande sécurité juridique et favoriser
l'emploi en levant les freins à l'embauche »179
.
L'autre des techniques dont le législateur fait usage pour assurer la primauté
de l'accord collectif sur le contrat de travail consiste à suspendre les dispositions
du contrat individuel de travail contraires à celles de l'accord collectif, ou - selon
le mécanisme prévu par le dispositif - leur substituer celles de l'accord collectif,
pendant la durée d'application de l'accord. Il s'agit par là d'assurer la primauté
des dispositions de l'accord collectif sur celles du contrat individuel de travail
pendant le temps d'application de l'accord (voire davantage s'il est question de
substitution...), sans que le salarié - qui a accepté de se voir appliquer le dispositif
- puisse invoquer les stipulations de son contrat de travail pour s'opposer à la
modification en question. La technique de la suspension des clauses du contrat de
travail était celle mise en œuvre dans les dispositifs des accords de mobilité interne
et des accords de maintien de l'emploi, institués par la loi relative à la sécurisation
de l'emploi. La loi du 8 août 2016, à travers les accords de préservation ou de
développement de l'emploi, a franchi un cap, puisque pour la première fois, il est
question de substitution de plein droit des clauses de l'accord collectif à celles du
contrat de travail. Cette technique de la substitution a été reprise dans le régime
des accords de performance collective qui remplacent certains accords sur l'emploi
- accords de réduction du temps de travail, accords de maintien de l'emploi,
accords de mobilité interne ainsi que les accords de préservation ou de développement
de l'emploi180
22 septembre 2017181
- depuis l'entrée en vigueur de l'ordonnance n° 2017-1385 du
. Le texte nouveau prévoit que les stipulations d'un tel accord
« se substituent de plein droit aux clauses contraires et incompatibles des contrats
de travail des salariés concernés, y compris en matière de rémunération, de durée
du travail ou de mobilité professionnelle ou géographique interne à l'entreprise
»182
. À travers ce mécanisme, c'est bien l'accord collectif qui modifie le
. Le choix pour la technique de la substitution
contrat individuel de travail, le texte énonçant au demeurant qu'il s'agit là d'une
modification du contrat de travail183
de plein droit plutôt que pour celle de la suspension des clauses contraires force à
constater un déplacement : la substitution des clauses de l'accord collectif à celles
du contrat de travail semble signifier - à s'en tenir à une acception stricte et communément
admise dans notre droit du travail - un remplacement définitif et non
178. Cons. Constit., 15 mars 2012, n° 2012-649 DC.
179. Cons. Constit., 5 août 2015, n° 2015-715 DC.
180. Précisons que les (ex) accords de modulation ne sont pas supprimés. Ainsi, lorsque
l'accord met en place un dispositif d'aménagement du temps de travail sur une période de référence
supérieure à la semaine, il doit respecter les articles L. 3121-41, L. 3121-42, L. 3121-44 et L. 3121-47
du Code du travail relatifs aux accords d'aménagement du temps de travail (C. trav., art. L. 2254-2
modifié).
181. Article 3 de l'ordonnance n° 2017-1385 du 22 septembre 2017.
182. C. Trav., art. L. 2254-2, III nouveau.
183. C. Trav., Article L. 2254-2 III. « Le salarié peut refuser la modification de son contrat de
travail résultant de l'application de l'accord ».
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