Bibliothèque de droit social - Tome 81 - Le juge et l'accord collectif de travail - 308

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LE JUGE ET L'ACCORD COLLECTIF DE TRAVAIL
L'arrêt du 2 décembre 2020 a apporté des précisions éclairantes sur le
contrôle du caractère réel et sérieux du motif du licenciement consécutif au refus
du salarié de se voir appliquer l'accord. En effet, le dispositif permettait de mettre
en œuvre des mobilités géographiques et/ou professionnelles induisant des modifications
de contrat de travail qui plaçaient les salariés face à une alternative :
accepter de se soumettre au dispositif ou refuser et s'exposer à un licenciement
reposant sur un motif économique. Si la Cour de cassation considère que le refus
par le salarié de se voir appliquer l'accord constitue un motif économique de
licenciement autonome par rapport aux motifs économiques prévus à l'article
L. 1233-3 du Code du travail, l'autonomie du motif de licenciement n'exclut
néanmoins pas le contrôle du juge sur la cause réelle et sérieuse. L'arrêt précise en
effet qu'il appartient au juge d'apprécier le caractère réel et sérieux du motif de
licenciement au regard de la conformité de l'accord aux dispositions du Code du
travail qui le régissent et de sa justification par les nécessités du fonctionnement
de l'entreprise194
.
En ce qui concerne la conformité de l'accord aux dispositions du Code du
travail qui le régissent, c'est-à-dire aux articles L. 2242-21, L. 2242-22 et L. 224223
du code du travail, la notice explicative jointe à l'arrêt s'inscrit dans la lignée
de la jurisprudence sur les accords de réduction du temps de travail dont nous
avons fait état plus haut195
arrêt du 23 septembre 2009196
. Ainsi, la Cour avait par exemple considéré dans un
que ne pouvait pas être opposé au salarié l'accord
collectif instituant la modulation qui ne comprenait pas les mentions obligatoires
prévues par le Code du travail.
À propos du contrôle de la justification de l'accord par les nécessités du fonctionnement
de l'entreprise, la chambre sociale se réfère aux stipulations de l'article
4 de la Convention internationale du travail n° 158 sur le licenciement de
l'Organisation internationale du travail qui prévoient qu'un licenciement non
inhérent à la personne du salarié doit être fondé sur les nécessités du fonctionnement
de l'entreprise, de l'établissement ou du service et de celles des articles 9.1 et 9.3
qui définissent le contrôle du juge sur les motifs invoqués pour justifier le licenciement.
Se pose la question de l'étendue du contrôle du juge sur ces nécessités liées
au fonctionnement de l'entreprise, l'arrêt n'apportant pas d'éclairage à cet égard
le pourvoi n'ayant pas fait le choix de se situer sur ce terrain.
Il nous est permis de constater que, contrairement à la jurisprudence relative
aux accords de réduction du temps de travail et de modulation197
, l'appréciation
de la légitimité du licenciement ne se limite pas au seul critère de l'existence d'un
refus d'une modification du contrat de travail consécutive à la mise en œuvre de
l'accord. Le juge n'établit pas de lien automatique entre le refus par le salarié de
se voir opposer la modification et la légitimité du licenciement.
194. « [...] il appartient au juge d'apprécier le caractère réel et sérieux du motif du licenciement
consécutif à ce refus au regard de la conformité de l'accord de mobilité aux dispositions des articles
L. 2242-21, L. 2242-22 et L. 2242-23 du code du travail et de sa justification par l'existence des
nécessités du fonctionnement de l'entreprise ».
195. Voir supra, n° 406-408.
196. Cass. Soc., 23 sept. 2009, n° 07-44.712, Bulletin 2009, V, n° 201 ; JCP S 2009, 1503, note
A. Martinon, « Modification du contrat de travail - Accord Aubry et licenciement : la confusion des
genres ? ».
197. Voir supra, n° 406-408.
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