Bibliothèque de droit social - Tome 81 - Le juge et l'accord collectif de travail - 312

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LE JUGE ET L'ACCORD COLLECTIF DE TRAVAIL
436. L'un des objectifs de la loi du 14 juin 2013 était de promouvoir l'accord
collectif en matière de grands licenciements collectifs, et à cet égard, faire en sorte
que les plans de sauvegarde de l'emploi soient désormais négociés, ce qui n'était
jusque-là que marginalement le cas. Manifestement, la réforme a porté ses fruits
en ce domaine. Le bilan de la loi relative à la sécurisation de l'emploi, établi après
dix-huit mois de mise en œuvre, est conforme aux objectifs affichés par les promoteurs
de la réforme, avec une véritable ouverture d'un espace de négociation en
matière de plan de sauvegarde de l'emploi, s'accompagnant d'une baisse significative
de la judiciarisation des plans sociaux205
. Comment cette promotion du plan
de sauvegarde négocié a-t-elle été orchestrée par le législateur ? Quelle forme
a-t-elle prise ? Celle d'une dualisation, débouchant sur deux types de contrôle
d'intensité variable exercés par l'autorité administrative selon que le plan de sauvegarde
de l'emploi donne lieu à un document unilatéral de l'employeur prévu à
l'article L. 1233-24-4 du Code du travail ou donne lieu à un accord collectif majoritaire
au sens de l'article L. 1233-24-1 du Code du travail. Dans le premier cas,
lorsque le plan de sauvegarde de l'emploi a donné lieu à un document unilatéral
de l'employeur (donc, « à défaut d'accord mentionné à l'article L. 1233- 24-1 »)206
,
le contrôle exercé par la Direccte est un contrôle approfondi, portant notamment
sur le contenu du plan de sauvegarde de l'emploi207
. Dans le second cas, lorsque le
plan de sauvegarde de l'emploi donne lieu à un accord collectif majoritaire, l'accord
doit faire l'objet d'une validation par l'administration, mais le contrôle exercé
se voit là allégé, limité essentiellement à un contrôle des conditions de validité de
l'accord collectif208
. La force conférée à l'accord collectif - majoritaire - induit
. Telle est l'idée qui
ce contrôle restreint de l'autorité administrative, qui se doit, face à la légitimité
renforcée de l'accord, de respecter le fruit de la négociation209
205. Selon le bilan de la loi de sécurisation de l'emploi dressé le 3 avril 2015, « [l]es recours contre
les PSE restent limités : le taux de recours est de seulement 8 % devant le tribunal administratif, contre
25 % devant le tribunal de grande instance avant la LSE. Il s'agit là d'une observation tout à fait
conforme à l'intention du législateur et des partenaires sociaux signataires de l'ANI du 11 janvier
2013. En confortant le dialogue social et en plaçant l'administration en tiers de confiance susceptible
de faciliter le dialogue social en cas de blocage, tout a été mis en œuvre pour prévenir les conflits
sociaux et éviter d'encourager une judiciarisation excessive des rapports sociaux. On constate par
ailleurs que, très logiquement, les PSE mis en œuvre suite à un accord majoritaire génèrent encore
moins de contentieux (taux de recours de 5 %). »
206. La lettre du texte dévoilant bien l'inclination pour la norme négociée, et le caractère
davantage subsidiaire du document établi de façon unilatérale par l'employeur.
207. C. Trav., art. L. 1233-57-3. L'administration vérifie dans un tel cas la conformité du document
unilatéral aux dispositions législatives et aux stipulations conventionnelles relatives aux éléments devant
y figurer ; la régularité de la procédure d'information et consultation du comité d'entreprise et, le cas
échéant, du CHSCT et de l'instance de coordination ; le respect par le plan de sauvegarde de l'emploi des
dispositions des articles L. 1233- 61 à L. 1233-63 du Code du travail (en fonction des moyens dont
disposent l'entreprise, l'unité économique et sociale et le groupe, des mesures d'accompagnement
prévues au regard de l'importance du projet de licenciement et des efforts de formation et d'adaptation
tels que mentionnés aux articles L. 1233-4 et L. 6321-1) ; et enfin que l'employeur a prévu le recours au
contrat de sécurisation professionnelle ou la mise en place du congé de reclassement.
208. C. Trav., art. L. 1233-57-2. Le Contrôle de l'administration porte dans ce cas sur le caractère
majoritaire de l'accord, le respect des règles de signature et la représentativité des signataires ; la
conformité de son contenu aux dispositions légales ; la régularité de la procédure d'information et de
consultation du comité d'entreprise et, le cas échéant, du CHSCT et de l'instance de coordination ;
ainsi que la présence dans le PSE des mesures pour éviter les licenciements ou en limiter le nombre et
le plan de reclassement visant à faciliter le reclassement des salariés dont le licenciement ne pourrait
être évité, ainsi que les modalités de suivi de la mise en œuvre effective des mesures contenues dans le
plan de reclassement.
209. F. Géa, « Les grands licenciements collectifs dans l'ordre administratif «, RDT 2013, p. 261.
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