Bibliothèque de droit social - Tome 81 - Le juge et l'accord collectif de travail - 47

L'INTERPRÉTATION JUDICIAIRE DE L'ACCORD COLLECTIF : PERSPECTIVE INTERNE
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administratives devraient se reconnaître compétentes pour interpréter les conventions
collectives, or l'auteur soutien que cette solution est écartée par la jurisprudence
administrative qui invoque le caractère de « contrat de droit privé » de la
convention collective et fait obligation aux juridictions administratives de surseoir
à statuer tant que les juridictions judiciaires n'ont pas résolu la difficulté
d'interprétation28
. Yves Chalaron, quant à lui, laisse entrevoir une distinction en
raison du type d'accord collectif, et affirme que les règles d'interprétation des
accords collectifs sont influencées par les effets à caractère réglementaire de l'accord
au niveau de la branche, mais que cette considération se réduit en matière
d'accord d'entreprise, concluant alors en définitive que ce sont les principes d'interprétation
des contrats qui s'appliquent en principe à l'accord collectif29
. Gérard
Vachet fonde, lui, le rejet des règles d'interprétation de la loi sur l'impossibilité
pour le juge de se référer à des travaux préparatoires lorsqu'il s'agit d'interpréter
une convention collective30
. Enfin, Gilles Lhuilier, invoque deux motifs à cette
même fin : à l'instar de Gérard Vachet, il invoque l'impossibilité de se référer à
des travaux préparatoires en matière de convention collective, et ajoute en outre le
rejet par la Cour de cassation de la directive selon laquelle le juge devrait retenir
l'interprétation du texte conventionnel la plus favorable aux salariés31
. Il n'empêche
que l'on relève à plusieurs reprises qu'il est fait état d'une proximité entre
l'interprétation de la loi et l'interprétation du contrat, avec, à chaque fois, François
Gény pour référence. À en croire cette vision, il serait toujours question d'une
recherche d'intention, qu'il s'agisse respectivement de l'intention du législateur,
ou de l'intention des parties au contrat32
.
L'exploration des écrits doctrinaux portant sur la question de l'interprétation
judiciaire de l'accord collectif de travail laisse voir une conception doctrinale
relativement unifiée jusqu'au début des années 1990. Le modèle d'interprétation
de l'accord collectif de travail était inspiré du modèle d'interprétation du contrat
de droit commun, tel que les auteurs le concevaient alors. Selon cette représentation,
les directives d'interprétation de l'accord collectif sont inspirées des directives
posées par le Code civil. L'on observe que le respect de l'intention des parties
est central dans le modèle d'interprétation, tel que nous avons pu le caractériser.
28. M. Despax, Négociations, conventions et accords collectifs, Traité de droit du travail, op. cit.,
p. 349.
29. Y. Chalaron, Négociations et accords collectifs d'entreprise, op. cit.
30. G. Vachet, « L'interprétation des conventions collectives », op. cit.
31. G. Lhuilier, « Le dualisme de la convention collective devant la Cour de cassation, Réflexions
sur le contrôle de l'interprétation des règles conventionnelles de forme du licenciement pour motif
personnel », op. cit.
32. Paul Durand, relevant que l'interprétation de la convention collective devait être soumise
aux règles posées par les conventions, notait que ce problème n'était pas discuté par la pratique
française - nous l'avons déjà évoqué - et avançait comme justification probable (et citant François
Gény, Méthode d'interprétation et sources en droit privé positif, t. I, 2e
éd., n° 98, p. 266 texte et note 2)
le fait qu'en droit français « l'interprétation d'un texte législatif ressemble de fort près à l'interprétation
d'un acte juridique » (P. Durand, « Le dualisme de la convention collective de travail », op. cit. (1).
Michel Despax, se référant également à François Gény : « [...] l'interprétation d'un texte législatif
ressemble de fort près à l'interprétation d'un acte juridique privé qu'il s'agisse de la volonté du
législateur, ou de la volonté commune des parties, c'est toujours d'une recherche d'intentions qu'il
s'agit » (M. Despax, Négociations, conventions et accords collectifs, Traité de droit du travail, op. cit.,
p. 349). Gérard Vachet, se fondant de la même façon sur les analyses de François Gény : « Qu'il
s'agisse d'interpréter une convention ou une loi, il s'agit toujours d'une recherche d'intentions : dans
un cas, il s'agit de rechercher la volonté du législateur ; dans l'autre cas, la volonté commune des
parties », G. Vachet, « L'interprétation des conventions collectives », op. cit.
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