Bibliothèque de droit social - Tome 81 - Le juge et l'accord collectif de travail - 72

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LE JUGE ET L'ACCORD COLLECTIF DE TRAVAIL
celui du respect - rigoureux - de la lettre du texte, et par ce choix, c'est en réalité
la volonté des partenaires sociaux que le juge s'attache à respecter. Ce qui se
dévoile derrière cette posture, c'est un refus de s'immiscer dans le résultat de la
négociation, qui demeure la chose des parties, ce que l'on décèle, c'est un souci de
préserver le negotium. Par le respect de la lettre du texte, c'est la volonté des parties
à la négociation que le juge tente de préserver.
B. LA PLURALITÉ DES MODES D'INTERPRÉTATION
79. Certes, l'on décèle une faveur du juge judiciaire pour l'interprétation littérale
de l'accord collectif de travail. Mais il faut se garder d'excès de systématisation.
Notre travail d'analyse du « matériau » jurisprudentiel nous conduit à relever que le
juge a souvent recours à d'autres modes d'interprétation pour déterminer le sens
des dispositions conventionnelles, et que, bien souvent, l'on décèle une combinaison
d'arguments en filigrane. La raison du recours à un autre mode d'interprétation
que l'interprétation littérale peut résider, cela va de soi, dans le fait que, dans le
contexte du litige, la lettre du texte ne permet absolument pas de répondre à la difficulté
qui se pose, et d'opter en faveur d'une signification. Mais là n'est pas la seule
raison du rejet ponctuel de l'interprétation littérale. Une interrogation s'impose
immédiatement. Qu'est-ce qui fait que le juge délaisse l'interprétation littérale pour
choisir un autre (ou d'autres) mode(s) d'interprétation ? Le juge opère un choix, et
le sens du texte est fonction du choix du mode d'interprétation. Au-delà de l'opération
de recensement de ces modes auxquels peut avoir recours le juge pour interpréter
un accord collectif de travail, ce qu'il nous faut déterminer alors, ce sont les
raisons du choix pour tel ou tel mode d'interprétation.
Repartons du « guide » fourni par la Cour de cassation, afin de le confronter
au résultat de notre analyse. Dans quelle mesure le juge a-t-il recours à l'interprétation
systémique (1) ? A l'interprétation téléologique (2) ?
1. Interprétation systémique
80. À la lecture du « guide » fourni par la Cour de cassation, l'on peut
apprendre qu'à défaut de pouvoir s'en tenir à la lettre du texte, le juge va tenir
compte d'un éventuel texte législatif ayant le même objet pour déterminer le sens
de la disposition conventionnelle en cause. Dans notre travail de décryptage du
matériau jurisprudentiel, a-t-on constaté un appui récurrent du juge sur d'éventuelles
dispositions légales ayant le même objet que le texte conventionnel pour
déterminer son sens ? Effectivement - et sans le situer pour autant comme le
mode d'interprétation alternatif à l'interprétation littérale, comme une sorte de
directive de secours - l'analyse massive des arrêts nous permet d'affirmer que le
juge a fréquemment recours à l'interprétation systémique pour déterminer le sens
d'une disposition conventionnelle. Interprétation systémique disons-nous de
façon générale, dans le sens où, en réalité, le juge ne fait pas que s'appuyer sur des
règles légales ayant le même objet que le texte conventionnel (si elles existent). La
norme conventionnelle fait partie d'un ordre juridique vaste, où les règles juridiques
sont multiples et s'imbriquent, et l'interprétation systémique s'appuie justement
sur cette idée selon laquelle la norme fait partie d'un tout complexe.
81. Interprétation à la lumière d'autres dispositions conventionnelles. La disposition
conventionnelle qui fait l'objet de l'interprétation s'inscrit dans un
accord, dont d'autres dispositions qui le composent peuvent servir d'appui au

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