Les Intégrales - Droit pénal médical - 2e - 197

Cha p i t r e 1 - L a p r ot e c t i on de l a v i e e t d e l ' in t é g r it é c o r p o r e lle du ma la de
L'analyse de la jurisprudence montre à cet égard qu'en matière médicale, les juges sont
particulièrement sévères en exigeant du corps médical une certaine diligence dans le
secours apporté, voire la démonstration que tout a été tenté pour secourir au mieux le
patient. Cette sévérité est particulièrement sensible à l'égard de deux spécialités médicales.
S'agissant tout d'abord de la médecine d'urgence171
, la Cour de cassation subordonne
très clairement la relaxe d'un médecin régulateur poursuivi pour omission de
porter secours à la condition que le praticien ait « mis en œuvre le mode d'assistance le
plus approprié à la situation »172
. Cette position drastique permet ainsi en droit positif de
condamner fréquemment les médecins urgentistes comme en témoigne une décision
dans laquelle le médecin régulateur d'une association de médecine d'urgence s'était
limité à proposer à une mère ayant sollicité les urgences pour faire face à la gastro-entérite
de sa fille âgée de neuf mois d'attendre l'arrivée de SOS médecin censé intervenir
deux heures plus tard et à la laisser analyser seule des signes de gravité pour déterminer
si elle devait se rendre aux urgences de l'hôpital local173
.À l'évidence, laisser une mère
en plein désarroi apprécier seule la gravité et l'urgence d'une situation n'était pas le
moyen le plus approprié pour ce professionnel de la médecine d'urgence de réagir face
au péril subi par l'enfant et sa mère. Plus récemment, un médecin régulateur fut
renvoyé devant le tribunal correctionnel pour non-assistance à personne en danger dans
une affaire où une épouse avait contacté à deux reprises le Samu à la suite notamment
de douleurs thoraciques présentées par son mari. À l'issue du second appel, le médecin
régulateur, procédant à un interrogatoire sommaire, ne s'interrogeait pas sur l'origine
coronarienne ou aortique de la douleur malgré l'aggravation de l'état du malade qui était
victime en réalité d'un infarctus et se contentait d'un appel à SOS médecin en vue d'une
simple visite domiciliaire. Le patient devait en réalité décéder des suites d'un infarctus
du myocarde174
.
S'agissant en second lieu de la pédiatrie, le juge fait preuve de la même sévérité dans
l'appréciation de l'abstention d'agir constitutive du délit. Il fut ainsi reproché à un
médecin chef du service de pédiatrie d'un centre hospitalier de s'être abstenu d'agir
face à un enfant souffrant d'anorexie mentale dont l'état s'était aggravé. La condamnation
du médecin est justifiée par le fait qu'il « devait mettre en œuvre tous les moyens
utiles à sa disposition, à savoir le transfert au centre spécialisé, dans un véhicule médicalisé
ou, à tout le moins, la prescription d'examens pouvant être faits sur place, comme un
fond d'œil, une radiographie du crâne ou un scanner de nature à vérifier l'origine organique
des troubles qu'il avait envisagés, et à permettre une prise en charge
appropriée »175
.
En définitive, il apparaît très clairement que la jurisprudence est très pointilleuse et
exigeante à l'égard du médecin dans son obligation d'assistance. Le médecin sera véritablement
à l'abri de tout reproche quant à son action s'il montre qu'il a adopté le meilleur
comportement possible, ce qui est bien plus que ce qu'exige le Code pénal176
. Il devra
ainsi montrer qu'il a d'abord tenté de fournir un secours personnel dans les limites de
ses compétences. Et il faut observer ici qu'en tant que professionnel, le juge a tendance
à penser que le médecin peut toujours, par principe, apporter sa propre assistance. En
témoigne une affaire dans laquelle un chirurgien de garde avait été informé téléphoniquement
qu'un blessé de la route souffrant de graves traumatismes était dirigé sur un
hôpital. Alors même que sa présence était demandée, le praticien refusa de se déplacer
(171) B. PY, « Urgence médicale, état de nécessité, et personne en péril », AJ Pénal, Dalloz, juillet-août 2012, p. 384.
(172) Cass. crim., 26 mars 1997, nº 94-80239, Dr. pén. 1997, comm. 125, obs. M. VÉRON
(173) Cass. crim., 30 nov. 2010, nº 10-80447.
(174) Cass. crim., 25 sept. 2018, nº 18-83956, RSC 2019, p. 441, note P. MISTRETTA.
(175) Cass. crim., 15 déc. 1999, nº 99-83529.
(176) V. pour un médecin qui s'est contenté de veiller son épouse alors qu'elle était en situation de péril grave et imminent
puisqu'elle avait absorbé de fortes doses de médicaments, Cass. crim., 27 mars 1991, Dr. pén. 1991, comm.
nº 247.
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http://www.lextenso.fr/weblextenso/recherche/?recherche=avancee&requete.checkDocuJuris=on&requete.jurisDecision=18-83956 http://www.lextenso.fr/weblextenso/recherche/?recherche=avancee&requete.checkDocuJuris=on&requete.jurisDecision=18-83956
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