Les Intégrales - Droit pénal médical - 2e - 215

Cha p i t r e 1 - L a p r ot e c t i on de l a v i e e t d e l ' in t é g r it é c o r p o r e lle du ma la de
laquelle « en l'état de ces énonciations, d'où il résulte que X... n'a pas accompli les diligences
normales qui lui incombaient compte tenu de la nature de sa mission et de sa
fonction, de sa compétence ainsi que du pouvoir et des moyens dont il disposait, la cour
d'appel, qui a répondu aux conclusions, a constaté que le prévenu a causé directement le
dommage et a, ainsi, justifié sa décision »262
. Une exigence accrue de motivation et une
démarche davantage didactique permettraient aisément à la Cour de cassation de remédier
à cet état de fait.
Plus profondément, et au-delà de l'exigence de motivation, il est légitime de s'interroger
sur l'opportunité de recourir et de généraliser ce critère tiré du paramètre déterminant.
Car si ce critère a le mérite de donner un peu de contenu à une notion obscure, il n'en
reste pas moins contestable. D'abord, il permet, aux dires mêmes de la Cour de cassation,
d'interpréter de façon extensive la notion de causalité directe, et donc de sanctionner
plus facilement les médecins contrairement à l'esprit initial de la loi du
10 juillet 2000 qui entendait précisément œuvrer en sens contraire. Ensuite en matière
médicale, il n'est pas toujours facile de fixer avec précision ce critère déterminant car
dans une affaire tout peut être plus ou moins déterminant et, surtout, la médecine reste
une science qui n'est pas exacte et vis-à-vis de laquelle même les experts n'arrivent pas
toujours à établir la vérité absolue263
.
Ainsi lorsqu'un praticien ne fait pas procéder en urgence à tous les examens nécessaires
alors qu'il avait tout sur place face à un patient qui souffre de diabète sévère, le paramètre
déterminant du décès est bien le coma diabétique. Et pourtant, le médecin a joué
un rôle plus que déterminant dans le décès car celui-ci aurait pu être évité par une intervention
médicale conforme aux règles de l'art. En d'autres termes, l'incurie du médecin
était tout aussi déterminante du décès que le diabète sévère du patient et le coma qui
s'est ensuivi. On comprend donc qu'en l'espèce les juges aient pu hésiter sur la teneur
directe ou indirecte du lien de causalité264
erreurs soient commises265
et même que, dans d'autres affaires, des
. En témoigne cette espèce dans laquelle un pédiatre n'avait
pas porté son attention sur un hématome crânien superficiel dont l'expansion entraîna le
décès d'un enfant. Cette impéritie combinée à l'absence de placement dans un service
de surveillance adaptée permit de condamner le praticien au titre d'une causalité
directe266
. Or, si l'on fait application du critère du paramètre déterminant, l'on ne peut
que constater qu'est seulement indirecte la causalité entre le défaut de surveillance
d'un patient ayant subi un traumatisme et son décès. C'est dire qu'en réalité le traumatisme
subi par l'enfant était bien la cause déterminante du décès, de sorte que le
médecin n'aurait pu être condamné qu'en tant qu'auteur indirect.
312 Omniprésence de la causalité directe et relativité de la réforme. - En recourant dans
toute la mesure du possible à la causalité directe, y compris parfois au prix d'une utilisation
abusive du critère du paramètre déterminant, l'on ne peut être guère surpris par le
fait que les hypothèses de causalité directe en matière médicale sont très nombreuses
en pratique. Du paramètre déterminant au paramètre consternant, il n'ya qu'un pas que
la Cour de cassation n'a manifestement pas craint de franchir. Même s'il est impossible
de se fonder sur une approche statistique fiable des condamnations judiciaires en la
matière, l'analyse de la base de données Legifrance est très révélatrice à cet égard. Si
l'on étudie en effet les condamnations médicales pour homicides ou blessures involontaires
recensées sur cette base, il apparaît que le nombre de praticiens condamnés en
(262) Cass. crim., 23 oct. 2001, nº 01-81030, Bull. crim., nº 217.
(263) V. par ex. pour un bel aperçu récent de querelles d'experts et son influence sur la décision du juge pénal,
Cass. crim., 12 oct. 2021, nº 19-86773, RSC 2022, p. 385, note P. MISTRETTA.
(264) Cass. crim., 12 sept. 2006, nº 05-86700, préc.
(265) V. pour un exemple récent d'erreur Cass. crim., 24 juin 2014, nº 13-84.542, RSC 2015, p. 416 note P. MISTRETTA.
(266) Cass. crim., 13 nov. 2002, D. 2004, p. 1334, note Ph. CONTE ; RSC 2003, p. 331, obs. Y. MAYAUD.
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