Les Intégrales - Droit pénal médical - 2e - 66

DROIT PÉNAL MÉDICAL
qualité de praticien, ce qui ne constitue pas vraiment un obstacle à la démonstration de
la faute. Il est à noter enfin que la loi du 10 juillet 2000 a conforté l'appréciation de la
jurisprudence estimant que le défaut d'accomplissement des diligences normales par le
médecin était un élément constitutif de la faute pénale non intentionnelle qui doit donc
être rapporté par la partie poursuivante. La dernière version de l'article 121-3 alinéa 4
garantit ainsi que la faute pénale simple n'existe qu'en l'absence de diligences normales,
et il appartient au ministère public de le démontrer, ce qui est bien évidemment un
obstacle supplémentaire à la condamnation des médecins.
2 - La faute qualifiée
88 Faute délibérée. - Si la loi de 2000 apparaît ainsi plutôt conservatrice en cas de faute
simple médicale, elle se veut bien plus novatrice en cas de causalité indirecte puisqu'elle
introduit alors l'exigence nouvelle d'une faute qualifiée. La faute médicale s'est donc
enrichie et diversifiée pour introduire davantage de nuance et mieux répondre à la spécificité
de la culpabilité non intentionnelle au regard des contraintes suscitées par l'accomplissement
d'un acte médical. À côté de la faute simple médicale, existe donc désormais
la faute médicale délibérée qui est la première modalité de faute qualifiée qu'un médecin
peut commettre. Cette faute n'est pas véritablement nouvelle puisqu'elle est le fruit des
réformes successives depuis la refonte du Code pénal. Esquissée en 1992 lors du vote du
nouveau Code pénal, la faute délibérée est aujourd'hui consolidée par la réforme du
10 juillet 2000 au titre de la faute qualifiée. La faute médicale délibérée consiste pour
un médecin à vouloir le manquement répréhensible sans pour autant vouloir parvenir
aux conséquences dommageables. Parce qu'elle comporte une part de volonté, elle se
rapproche de l'intention sans pour autant s'identifier à elle, car elle en constitue en
quelque sorte l'antichambre. Surtout, dans la mesure où selon l'article 121-3, alinéa 4,
du Code pénal, cette faute implique la violation manifestement délibérée d'une obligation
particulière de prudence ou de sécurité prévue par la loi ou le règlement, elle ne peut
avoir en matière médicale qu'une application limitée. On observera néanmoins lors de
l'étude du droit pénal spécial médical que des applications de la faute délibérée restent
possibles dans certains secteurs très marqués de l'activité médicale et que la jurisprudence
la plus récente semble enfin en avoir pris conscience90
.
89 Faute caractérisée. - La faute caractérisée est la seconde modalité de faute qualifiée
qu'un médecin peut commettre en cas de causalité indirecte, et elle se veut moins
restrictive que la faute délibérée. Selon la définition légale visée à l'article 121-3,
alinéa 4, du Code pénal, le médecin commet une telle faute lorsqu'il expose un patient
à un risque d'une particulière gravité qu'il ne pouvait ignorer. Plus simplement, on peut
considérer que la faute caractérisée existe lorsque le praticien n'a pas conscience du
résultat, mais a conscience des risques qu'il crée. Autrement dit, le médecin sera
condamné sur le fondement d'une telle faute lorsqu'il sera démontré qu'il savait ou,
plutôt, ne pouvait pas ne pas savoir que son action ou omission créait à l'encontre du
patient un danger d'une particulière gravité. De telles situations ne sont malheureusement
pas rares en droit médical tant il est vrai que le médecin est avant tout un être
humain qui exerce son art avec ses forces, mais aussi avec ses faiblesses. Rien de surprenant
donc à ce que la matière médicale soit l'un des domaines de prédilection de la faute
caractérisée ainsi qu'il sera montré par la suite91
.
(90) V. infra nº 348.
(91) V. infra nº 323.
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