Les Intégrales - Droit pénal médical - 2e - 91

Ch a p i tre 2 - La r e s po n s a b ilit é pé n a l e e n ma t iè r e mé d i c a l e
hospitalier sauf à présumer cette imputation55
. Le rejet du pourvoi vaut donc validation
du raisonnement des juges du fond, ce qui semblait montrer dès 2011 que l'exigence
de la démonstration de l'intervention de l'organe ou du représentant de la personne
morale était redevenue incontournable. Alors même que sa position demeurait ambiguë
dans certaines branches du droit pénal spécial, et notamment en droit pénal du travail,
la Cour de cassation en matière médicale a, par la suite, assez rapidement confirmé son
nouvel attachement aux conditions d'imputation visées par l'article 121-2 du Code pénal
par un second arrêt en date du 2 mai 201256
.
Un doute demeurait cependant quant au fait de savoir si ce retour à l'orthodoxie juridique
allait perdurer en matière médicale, là où les fautes et dysfonctionnements sont imputables
le plus souvent aux préposés des centres hospitaliers (infirmières, internes, praticiens,
voire chefs de service), lesquels ne sauraient posséder la qualité d'organe ou de
représentant requise par le Code pénal. L'affaire ayant donné lieu à l'arrêt du
16 décembre 201457
était donc l'occasion pour la Cour de cassation de fixer définitivement
le droit et de savoir si la matière médicale pouvait se voir pénétrer du raisonnement
empreint de déduction qui prospérait encore parfois dans certains arrêts de la haute juridiction.
En l'espèce, une patiente était décédée à la clinique de La Roseraie, devenue la
société Hôpital européen de Paris, quelques heures après avoir accouché par césarienne,
d'une décompensation cardiovasculaire d'une hémorragie de la délivrance. La société
l'Hôpital européen de Paris fut poursuivie du chef d'homicide involontaire pour ne pas
avoir assuré une organisation de l'établissement conforme aux dispositions en vigueur en
ce qui concerne tant les procédures de commande des produits que les modalités de
surveillance de la patiente. L'arrêt de la cour d'appel de Paris ayant confirmé la condamnation
pénale de l'établissement de santé indiquait notamment pour fonder la condamnation
que la faute consistait à avoir confié à une infirmière stagiaire la surveillance des
patients d'une salle de surveillance post-interventionnelle et que « s'agissant d'une
défaillance manifeste dans la surveillance post-interventionnelle, révélatrice d'une organisation
déficiente de la prise en charge des patients, il n'est pas nécessaire de désigner
l'organe ou le représentant de l'établissement ayant commis la faute dont l'existence est
établie ainsi que le rappelle la jurisprudence ». Et les juges d'appel de faire expressément
référence à l'arrêt de la Cour de cassation en date du 9 mars 2010 qui avait validé l'interprétation
des juges du fond ayant condamné un hôpital au motif que « ne sont imposées
ni une déclaration de culpabilité de l'organe ou du représentant, ni l'identification de ce
(s) dernier(s) de la ou des personnes morales comme préalable »58
. Ce faisant, les juges
de la cour d'appel de Paris faisaient à l'évidence intentionnellement abstraction des
deux arrêts de la haute juridiction de 2011 et 2012 précités ayant réaffirmé l'exigence
de la démonstration de l'intervention de l'organe ou du représentant de l'établissement
de santé pour se situer dans la logique antérieure de l'arrêt de 2010, logique conforme
aux arrêts ayant déduit, en matière non médicale, de la responsabilité de la personne
morale la commission de l'infraction par ses dirigeants ou représentants. En cassant
l'arrêt de la cour d'appel de Paris au motif « qu'en se déterminant ainsi, sans rechercher
par quel organe ou représentant le délit reproché à la personne morale avait été commis
pour son compte, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision », la haute juridiction a donc
mis définitivement un terme à toute ultime tentative de dévoiement de la nécessité de
prouver en matière médicale l'intervention de l'organe ou du représentant pour pouvoir
condamner pénalement un établissement de santé59
. La solution doit être approuvée,
non seulement en ce qu'elle marque un retour aux exigences du texte de l'article 121-2
(55) Cass. crim., 13 déc. 2011, nº 11-81330.
(56) Cass. crim., 2 mai 2012, nº 11-86573, Rev. pénit. 2013, p. 191, obs. P. MISTRETTA.
(57) Crim., 16 déc. 2014, nº 13-87330, Gaz. Pal. 2015, nº 55, p. 29, obs. E. DREYER ; RSC 2015, p. 411, obs.
P. MISTRETTA.
(58) Cass. crim., 9 mars 2010, nº 09-80543, Bull. crim., nº 49 ; Rev. pénit. 2011, p. 215, obs. P. MISTRETTA.
(59) On pouvait déjà en sentir les prémices dans un précédent arrêt mais de manière moins nette que dans l'arrêt
rapporté, Cass. crim., 3 juin 2014, nº 13-81056.
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