Les Intégrales - Droit pénal médical - 2e - 97

Ch a p i tre 2 - La r e s po n s a b ilit é pé n a l e e n ma t iè r e mé d i c a l e
permission de la loi que s'il est l'œuvre d'un médecin, d'une part, diplômé dans les
conditions que la loi définit et, d'autre part, inscrit au conseil de l'Ordre des médecins69
.
125 Nécessité médicale. - La seconde condition est visée par l'article 16-3 alinéa 1 du
Code civil qui indique qu'« il ne peut être porté atteinte à l'intégrité du corps humain
qu'en cas de nécessité médicale pour la personne ou à titre exceptionnel dans l'intérêt
thérapeutique d'autrui ». Le code de déontologie médicale prévoit également qu'aucune
intervention mutilante ne peut être pratiquée sans motif médical très sérieux70
. Cette
condition est essentielle et d'une appréciation plus complexe que celle relative à la
compétence professionnelle qui vient d'être énoncée. Il faut tout d'abord qu'il y ait une
nécessité médicale, ce qui est relativement flou. La doctrine a pu considérer à ce sujet
que « pour être thérapeutique ou curatif, un acte médical doit consister à vouloir apporter
un plus à la santé de l'individu directement concerné »71
. Plus encore, il semble que
l'acte entrepris par le médecin doive être utile et en tout cas non disproportionné. Le
médecin doit dès lors opérer une sorte de justice de Salomon en pesant les avantages et
inconvénients sur la santé du patient de l'acte médical qu'il projette. Et il doit s'abstenir
de procéder à un tel acte lorsque le malade a plus à craindre de l'intervention sur son
corps qu'à espérer. En outre, cette nécessité médicale doit être appréciée au regard de
celui qui bénéficie de l'acte médical et, à titre exceptionnel depuis la loi de bioéthique
du 6 août 2004, elle peut être mesurée en considération de l'intérêt thérapeutique
d'autrui. Cela vise les hypothèses où un acte médical est effectué afin de prélever un
organe en vue d'un don à autrui72
.
Cette appréciation de la nécessité médicale conditionnant la justification pénale n'est
pas sans susciter des difficultés d'interprétation. Les opérations effectuées par le corps
médical sur les transsexuels en sont une parfaite illustration. Aujourd'hui, après beaucoup
de débats, il semble admis que le médecin qui opère un acte médical visant à
mettre en harmonie le sexe anatomique avec l'identité d'une personne est pénalement
justifié au titre de la permission de la loi si le changement est ressenti comme indispensable
et s'il est définitif73
. La nécessité médicale existe en effet là où apparaît la souffrance
psychologique, laquelle peut même parfois pousser l'intéressé à des automutilations.
A contrario, lorsque l'opération a été décidée de manière précipitée et
unilatéralement sans respect d'une période d'observation pluridisciplinaire de longue
durée, l'intérêt thérapeutique devient évanescent, et les portes de la justification se referment
pour permettre la condamnation pénale du médecin74
. A fortiori, aucune justification
pénale n'est possible à l'encontre d'un médecin urologue ayant procédé à l'ablation
de l'appareil génital d'un individu supposé transsexuel afin de satisfaire simplement à un
intérêt scientifique75
.
Une autre difficulté plus profonde apparaît dans les hypothèses où l'acte médical résulte
non d'une nécessité médicale, mais d'une nécessité imposée par une situation contraignante
au nom de l'intérêt social afin de justifier le prononcé de sanctions pénales curatives
à l'égard d'un délinquant que l'on considère, à tort ou à raison, comme un malade.
Or, si l'on s'en tient à la justification des atteintes à l'intégrité du corps humain visée
dans l'article 16-3 du Code civil, seule la nécessité médicale de soi-même ou d'autrui
peut justifier le recours à l'acte médical. Mais dans le cas du prononcé de ces sanctions
pénales curatives, loin de répondre à ces finalités, l'accomplissement de l'acte médical
en droit pénal répond parfois à une nécessité sociétale qui se nourrit d'obligations de
(69) V. infra nº 633.
(70) CSP, art. R. 4127-41.
(71) B. PY, Recherches sur les justifications pénales de l'activité médicale, préc., p. 146.
(72) CSP, art. L. 1231-1 et s.
(73) La jurisprudence civile est en ce sens : Cass. ass. plén., 11 déc. 1992, JCPG 1993, II, 21 991, note G. MÉMETEAU.
(74) CA Aix en Provence, 23 avr. 1990, somm. com., p. 360, obs. J. PENNEAU.
(75) Cass. crim., 30 mai 1991, nº 90-84420, Bull. crim., nº 232.
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