Hors collection - La réforme du droit des sûretés par l'ordonnance du 15 septembre 2021 - 21

200l3
Dossier
Réalisation et extinction
du cautionnement
L'ordonnance du 15 septembre 2021 ne
bouleverse pas le droit du cautionnement mais y
apporte d'utiles modifications. En particulier, elle
restaure la généralité du principe d'opposabilité
des exceptions, unifie les règles relatives aux
obligations d'information, codifie celles relatives
à l'extinction du cautionnement de dettes futures
(décès, fusion ou résiliation) et organise les
conséquences de la prorogation conventionnelle
du terme.
Par Augustin Aynès
Professeur à l'université Paris Est-Créteil (Paris 12), agrégé des facultés de droit
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1. Le cautionnement était le grand absent de la réforme de 2006.
C'était volontaire car les parlementaires souhaitaient se réserver ce
morceau de choix, plus sensible politiquement. Mais le risque était
grand que la voie législative soit sans issue. Quinze ans après, c'était
une certitude : la réforme législative promise s'était totalement ensablée,
à supposer qu'elle ait été même initiée !
2. Le droit du cautionnement avait pourtant besoin d'une refonte car,
depuis 1804, les évolutions avaient été nombreuses, tant dans la pratique
que dans la technique de cette sûreté personnelle.
À l'origine, elle était conçue comme un service d'ami assez exceptionnel.
Mais l'accroissement du recours au crédit a conduit à en
généraliser l'emploi, en même temps qu'il s'est professionnalisé. Il
en est résulté une diversification des cautionnements conduisant à
l'émergence d'une distinction, plus ou moins explicite, entre le cautionnement
désintéressé donné par une personne physique et le cautionnement
intéressé et/ou donné par une personne morale. Cette
séparation est très nette en droit des entreprises en difficulté, mais
elle irrigue nombre d'autres règles ou solutions jurisprudentielles.
D'un point de vue technique, les innovations ont été nombreuses et
souvent anarchiques lorsqu'elles étaient le produit de lois de circonstances.
Que l'on songe, par exemple, à la « découverte » (doctrinale
puis jurisprudentielle) de la distinction entre obligation de couverture
et obligation de règlement en matière de cautionnement de dettes
futures, à la création par le législateur et l'empilement désordonné
d'obligations d'information et de règles de protection des cautions
personnes physiques ou à la consécration jurisprudentielle
NDA : Le style oral a été conservé.
d'exceptions supposément personnelles au débiteur principal et,
comme telles, inopposables par la caution au mépris du principe de
l'accessoire. Il était temps de remettre de l'ordre dans tout cela et le
cautionnement sur de bons rails.
3. Parce que c'est d'une remise en ordre et non d'une révolution
qu'avait besoin le cautionnement, il ne faut pas s'étonner que la
réforme réalisée par l'ordonnance n° 2021-1192 du 15 septembre
2021 ne bouleverse pas la matière. Le cautionnement conserve
notamment ses traits caractéristiques et sa structure (caractère
accessoire, identité de dette, subsidiarité de l'engagement, etc.),
comme en témoigne la définition qui en est désormais donnée par le
nouvel article 2288 du Code civil : « Le cautionnement est le contrat
par lequel une caution s'oblige envers le créancier à payer la dette
du débiteur en cas de défaillance de celui-ci ». Plus qu'une révolution
(qui était inutile), c'est une évolution, voire un retour aux sources.
4. Pour cet aggiornamento, la loi PACTE avait fixé trois objectifs au
gouvernement : rendre le régime du cautionnement plus lisible, améliorer
l'efficacité de cette sûreté et assurer la protection de la caution
personne physique. En faisant crédit aux auteurs de l'ordonnance
d'avoir tenté de respecter ce cahier des charges, il convient d'examiner
ce qui, dans les dispositions intéressant les effets et l'extinction
de cette sûreté, concourt à rendre le droit du cautionnement plus
lisible (I), plus efficace (II) et plus protecteur (III).
I. Lisibilité
5. Une première façon de rendre le droit du cautionnement plus
lisible a été de réorganiser et de réécrire la plupart des textes existants,
même lorsque la réforme en a conservé le sens et la portée.
Par exemple, le nouvel article 2317 du Code civil, relatif aux effets
du décès de la caution, est beaucoup plus explicite que l'ancien
article 2294, même si la règle demeure inchangée. On peut également
relever l'abandon de certains termes techniques, tel celui de
« cofidéjusseur ».
Bien plus fondamentalement, la lisibilité du droit du cautionnement
est certainement renforcée par la suppression des recours avant
paiement (A), la simplification des hypothèses dans lesquelles la caution
est susceptible de perdre ses recours (B) et la consécration d'un
régime du cautionnement de dettes futures (C).
A. Suppression des recours avant paiement
6. L'ordonnance du 15 septembre 2021 supprime la possibilité offerte
à la caution par l'actuel article 2309 du Code civil d'exercer un
recours contre le débiteur principal avant même d'avoir payé. Cette
règle, certes limitée à certaines hypothèses particulières, fait un peu
figure de bizarrerie : commente expliquer que la caution puisse réclamer
quelque chose au débiteur alors qu'elle n'a, pour l'heure, rien
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