Revue Droit & Littérature - Revue Droit & Littérature N°6-2022 : À travers champs - 127

Le thème
membres de la fédération qui voulaient la faire adhérer à la CGT est à l'origine de la mise en
retrait de Emile Guillaumin de l'action sociale. En effet, le 9 octobre 1908, au 8e
à Moulins, les divergences entre libertaires et modérés atteignirent leur point
congrès de
la Fédération22
culminant. Les premiers étaient partisans de la grève générale sans discussion préalable avec les
propriétaires, les seconds (dirigés par E. Guillaumin et M. Bernard) entendaient former d'abord
une commission mixte qui s'efforcerait d'aboutir à une entente. Miné par les contradictions
intérieures, le mouvement a décliné jusqu'en 1911 date à laquelle Emile Guillaumin abandonnait
l'action sociale et la rédaction du Travailleur rural. Après avoir cédé au découragement un
temps, il devient journaliste en envoyant régulièrement des articles dans les grands quotidiens régionaux
ainsi qu'aux revues spécialisées, devant ainsi le spécialiste de toutes les questions sociales
et paysannes de son époque.
Ainsi l'engagement social d'Emile Guillaumin qui se situe sans conteste dans le prolongement
de la publication de La vie d'un Simple en 1904, met en évidence le lien entre l'apparition du syndicalisme
agricole et la coopération agricole (I), dont le statut juridique a été précisé par une loi du
29 décembre 1906 et son décret portant règlement d'administration publique du 26 août 1907,
ainsi que par les textes juridiques adoptés ultérieurement (II).
I. Du syndicalisme agricole à la coopérative
agricole
Les publications juridiques contemporaines d'Emile Guillaumin, au début de sa carrière
siècle, par l'extension de ses moyens de production, le perfectionnement
d'écrivain, montrent que l'agriculture a subi une évolution économique profonde depuis la
seconde moitié du XIXe
de ses méthodes, la multiplicité des transformations de ses produits. « En effet, l'agriculteur
auparavant vivait à peu près sans contact avec les agglomérations urbaines, se contentant, après
avoir prélevé sur les produits de ses récoltes ce qui était nécessaire à la vie de la ferme, de porter
le surplus au marché le plus voisin [...] Les conditions nouvelles de l'activité agricole, dues en
particulier à la nécessité de pourvoir à la subsistance de centres urbains sans cesse plus considérables,
se sont traduites par l'élargissement des marchés et des transactions, l'accroissement
des vitesses et des distances de transport, la suppression de nombreux intermédiaires auxquels
se sont substitués des groupements associés. L'agriculteur isolé n'a pu se maintenir sans évoluer
dans le cadre de l'organisation rurale moderne23
... » Cette évolution profonde a eu pour conséquence
de montrer à l'agriculteur qu'il devait, pour augmenter le rendement de ses cultures,
recourir aux engrais chimiques et aux machines agricoles perfectionnées que l'industrie met à
sa disposition ; qu'il devait également, prenant modèle sur le commerçant, effectuer ses achats
et ses ventes aux meilleurs cours et en les échelonnant sur un laps suffisant de temps ; qu'il
22. Également dénommée Fédération des travailleurs de la terre qui regroupait 2 000 adhérents, cf. E. Alary, op. cit. p. 39.
23. P. Bastien, Les organismes coopératifs agricoles, Thèse, Paris, 1934, disponible sur Gallica, spéc. p. 11.
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