Hors collection - Réforme du statut de l'entrepreneur individuel - 269

CHAPITRE 2 - L'ARTICULATION DU STATUT DE L'EI AVEC LE DROIT PATRIMONIAL DE LA FAMILLE
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A. La qualification du contenant
461. L'article L. 526-27 du Code de commerce dispose, en son alinéa 1er
, que « l'entrepreneur individuel
peut céder à titre onéreux, transmettre à titre gratuit entre vifs ou apporter en société l'intégralité de son patrimoine
professionnel, sans procéder à la liquidation de celui-ci ». Si le patrimoine professionnel est susceptible
de transfert, c'est qu'il constitue un bien. Il est une universalité transmissible5
. Se pose dès lors la
question de sa qualification.
462. Lorsque l'entrepreneur est en concubinage, pacsé ou marié sous le régime de la séparation de
biens ou de la participation aux acquêts, la question de la qualification du patrimoine professionnel
ne se pose pas : il est nécessairement un bien personnel de l'entrepreneur individuel. De même, le
patrimoine professionnel est un bien propre présent de l'entrepreneur lorsqu'il a été créé ou acquis
avant le mariage ou un bien propre futur s'il l'a reçu par donation pendant le mariage6
. Quid en
revanche de l'entrepreneur individuel marié sous le régime légal ou conventionnel de la communauté
? Le patrimoine professionnel est-il propre ou commun ?
463. Plusieurs qualifications semblent envisageables. De prime abord, la qualification commune paraît
devoir s'imposer lorsque le patrimoine a été acquis à titre onéreux ou créé pendant le régime.
L'article 1401 du Code civil prévoit en effet que « la communauté se compose activement des acquêts
faits par les époux ensemble ou séparément durant le mariage, et provenant tant de leur industrie personnelle
que des économies faites sur les fruits et revenus de leurs biens propres ».
464. Pour autant, plusieurs arguments invitent à ne pas écarter aussi aisément la qualification de
propre, laquelle pourrait être défendue au titre de plusieurs fondements7
. En premier lieu, la qualification
de propre par nature pourrait être défendue sur le fondement de l'article 1405 en son alinéa 2, aux
termes duquel « forment aussi des propres par leur nature, mais sauf récompense s'il y a lieu, les instruments
de travail nécessaires à la profession de l'un des époux, à moins qu'ils ne soient l'accessoire d'un fonds de
commerce ou d'une exploitation faisant partie de la communauté ». L'exercice de l'activité professionnelle
indépendante supposant - et emportant même - l'existence du patrimoine professionnel, ce dernier
est nécessaire à la profession de l'entrepreneur. Néanmoins, la notion d'« instruments du travail »ne
semblant viser que des biens corporels8
, il est peu probable que la jurisprudence se laisse convaincre
par une telle qualification.
465. En deuxième lieu, le patrimoine professionnel pourrait être qualifié de bien propre par nature,
cette fois, au titre de l'alinéa 1er
du même texte. L'existence du patrimoine professionnel étant intimement
liée à celle de l'entrepreneur individuel, la jurisprudence pourrait considérer que le patrimoine
professionnel présente le « caractère personnel » nécessaire à cette qualification. D'aucuns feront valoir
qu'un tel raisonnement n'a jamais prévalu lorsqu'était en cause un fonds professionnel, tel un fonds de
5. Sur cette question, v. N. Jullian, La cession de patrimoine, Dalloz, coll. « Nouvelle bibliothèque des thèses », préf.
R. Mortier, vol. 174, 2018, nos
44 et s., p. 50 et s. En ce sens égal., v. not. Q. Quignet-Schielé, « L'articulation du
nouveau régime professionnel de l'entrepreneur avec son régime matrimonial », Gaz. Pal. 12 avr. 2022, p. 43 et s.,
spéc. p. 43.
6. C. civ., art. 1405 : « Restent propres les biens dont les époux avaient la propriété ou la possession au jour de la célébration
du mariage, ou qu'ils acquièrent, pendant le mariage, par succession, donation ou legs ». Précisons toutefois
qu'une acquisition à cause de mort par l'époux en cours de mariage est exclue, la loi du 14 février 2022 n'ayant pas
admis la transmission à cause de mort du patrimoine professionnel (v. infra,no
502).
7. V. supra,no 340 et s.
8. En ce sens, v. égal. Q. Guiguet-Schielé, op. cit., spéc. p. 46.
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