Hors collection - Réforme du statut de l'entrepreneur individuel - 273

CHAPITRE 2 - L'ARTICULATION DU STATUT DE L'EI AVEC LE DROIT PATRIMONIAL DE LA FAMILLE
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Toutefois, l'article L. 526-26 du Code civil dispose que « la présente section s'entend sans préjudice des
pouvoirs reconnus aux époux pour administrer leurs biens communs et en disposer ». Il faudrait donc articuler
les nouvelles règles régissant l'entrepreneur individuel avec le droit des régimes matrimoniaux.
Autrement dit, le seul critère de l'utilité du bien commun à l'activité professionnelle indépendante
qu'un époux entend exercer ne devrait pas suffire à attraire tout bien commun dans le patrimoine
professionnel.
475. Il reste que, dans le régime légal, le législateur n'impose la cogestion que lorsqu'un époux
souhaite aliéner ou grever de droits réels certains biens communs particuliers. Stricto sensu, la seule
utilisation d'un bien commun dans le cadre d'une activité professionnelle indépendante ne revient
pas à l'aliéner ou à le grever de droits réels. Autrement dit, lorsqu'un époux utilise un bien dans le
cadre de l'exercice de son activité professionnelle indépendante, ce bien rejoint le patrimoine professionnel
de l'époux sans que cela emporte transfert de propriété de ce bien, lequel demeure commun23
.
Dès lors, dans la rigueur des principes, il faudrait considérer que l'article 1424 est inapplicable. Mieux,
dérogeant au principe de la gestion concurrente, l'alinéa 2 de l'article 1421 confirme la solution en
disposant que « l'époux qui exerce une profession séparée a seul le pouvoir d'accomplir les actes d'administration
et de disposition nécessaires à celle-ci ».
476. Imposer la cogestion dans pareille situation aurait pourtant semblé plus conforme à la ratio legis
de l'article 1424 - protéger la communauté contre les actes graves dont l'initiative reviendrait à un
seul des époux - et aurait permis de s'approcher de la solution qu'avait adoptée le législateur à propos
de l'EIRL. Force est ainsi de constater que le conjoint de l'entrepreneur individuel sera moins bien
protégé que celui de l'EIRL, et cela, pour deux raisons. Alors que le premier n'aura jamais à consentir
lorsqu'un bien commun sera utilisé par son conjoint dans le cadre de son activité professionnelle -
c'est là le résultat du caractère de plein droit du nouveau mécanisme -, le second devait consentir à
toute affectation d'un bien commun, quelle qu'en soit l'importance ou la valeur24
. Surtout, en
matière d'EIRL, le législateur avait non seulement imposé l'obtention de l'accord du conjoint mais
également son information « des conséquences sur les biens communs des dettes contractées dans l'exercice
de sa profession ». Cette information paraît fondamentale25
. En effet, l'article 1413 du Code civil
dispose que « le paiement des dettes dont chaque époux est tenu, pour quelque cause que ce soit, pendant la
communauté, peut toujours être poursuivi sur les biens communs, à moins qu'il n'y ait eu fraude de l'époux
débiteur et mauvaise foi du créancier, sauf la récompense due à la communauté s'il y a lieu ». Or, lorsqu'un
époux décide, dans le cadre de l'EIRL d'affecter un bien commun à l'exercice de son activité professionnelle,
il neutralise le jeu de ce texte26
. À compter de son affectation dans le patrimoine professionnel,
le bien commun répond exclusivement des dettes de l'EIRL et, sauf exception, quitte l'assiette
du droit de gage des créanciers du conjoint et des créanciers communs. Le crédit du couple s'en trouve
considérablement affecté, d'où l'importance d'informer le conjoint de l'entrepreneur des conséquences
23. Comp. Ch. Bahurel, no 137-31. Selon l'auteur, l'affectation de biens communs à une EIRL est de la même nature que
l'apport à une société : « les biens considérés quittent la communauté ».
24. C. com., art. L. 526-11 : « Lorsque tout ou partie des biens affectés sont des biens communs (...), l'entrepreneur individuel
justifie de l'accord exprès de son conjoint (...) ». Ainsi, le consentement du conjoint de l'EIRL n'était pas limité aux
hypothèses visées par l'article 1424 du Code civil.
25. On pouvait toutefois douter des méthodes mises en œuvre pour informer le conjoint de l'EIRL. Sur ce point, v. A. Karm,
op. cit., spéc. no
9.
26. En ce sens, v. not. A. Karm, « Le patrimoine affecté de l'EIRL et les régimes matrimoniaux » , op. cit., spéc. nos
196 et s., p. 105 et s.
10 et 22 ;
H. Morell, Les aspects patrimoniaux du statut de l'Entrepreneur Individuel à Responsabilité Limitée, thèse, dir.
M.-H. Monsèrié-Bon, 2014, nos

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