Hors collection - Réforme du statut de l'entrepreneur individuel - 82

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RÉFORME DU STATUT DE L'ENTREPRENEUR INDIVIDUEL
141. Limites à la liberté d'affectation. - Il ne faudrait pas déduire du principe de liberté d'affectation/
désaffectation que le pouvoir de l'entrepreneur de déplacer ses biens d'un patrimoine à l'autre s'exercera
sans limite. Le contentieux probatoire qui pourra se nouer autour de la liberté d'affectation de
l'entrepreneur s'exercera dans une sorte d'équilibre des forces :
Du côté de l'entrepreneur, a minima,on l'a vu, la comptabilité doit évidemment être sincère pour
pouvoir jouer comme présomption36
. Au-delà, et bien que la loi ne fasse référence spécifiquement
qu'à la situation de l'administration fiscale et des organismes de sécurité sociale, si ce dernier peut
librement affecter et prouver les déplacements inter-patrimoniaux qu'il décide, c'est dans la limite de
la fraude.L'entrepreneur ne peut affecter ou désaffecter ses biens d'un patrimoine à l'autre sans tenir
compte de cette limite générale. Plus précisément, l'on songe à la fraude paulienne,c'est-à-dire aux
manœuvres par lesquelles l'entrepreneur sera en situation d'auto-créer une insolvabilité frauduleuse
d'un de ses patrimoines. Les déplacements inter-patrimoniaux pourront en effet très simplement y
contribuer : par exemple, en ne réintégrant pas suffisamment de revenus depuis le patrimoine professionnel
vers son patrimoine personnel37
; ou encore en affectant aucun bien utile dans son patrimoine
professionnel. Évidemment, les conditions de la fraude paulienne que prévoit le droit commun
(C. civ., art. 1341-2) devront être ici adaptées, mutatis mutandis, à la situation particulière de l'entrepreneur
individuel, l'implication d'un « tiers cocontractant » étant ici inopérante. Si l'existence d'une
fraude est avérée, le créancier pourra faire déclarer inopposable à son égard le déplacement patrimonial
fait en fraude à ses droits (C. civ., art. 1341-2).
D'un autre côté, le créancier pourra se fier à ses propres éléments de preuve et procéder aux saisies,
mais à ses risques et périls. Une saisie engagée contre un bien ne relevant pas du bon patrimoine
constituera un abus de saisie. L'article L. 526-22, alinéa 7, du Code de commerce précise que la
responsabilité du créancier saisissant peut être recherchée pour abus de saisie lorsqu'il a procédé à
une mesure d'exécution forcée ou à une mesure conservatoire sur un élément d'actif ne faisant manifestement
pas partie de son gage général (le tout sans préjudice de la responsabilité de droit commun
en cas de saisie contrevenant au principe général de proportionnalité38
).
Article L. 526-26, al. 7 du Code de commerce
« Sans préjudice de l'article L. 121-2 du Code des procédures civiles d'exécution, la responsabilité du créancier
saisissant peut être recherchée pour abus de saisie lorsqu'il a procédé à une mesure d'exécution forcée ou à une
mesure conservatoire sur un élément d'actif ne faisant manifestement pas partie de son gage général ».
B. L'engagement inter-patrimonial
142. Possibilité de sûretés inter-patrimoniales. - À strictement parler, la constitution d'une sûreté
sur tout ou partie des biens composant l'actif d'un patrimoine en garantie d'une dette née du chef de
l'autre patrimoine, n'est pas un déplacement patrimonial : elle ne modifie pas la localisation du bien
36. C. com., art. R. 526-26, II.
37. Risque que s'efforce de conjurer l'alinéa 6 de l'article L. 526-22 du Code de commerce, lequel dispose qu'en cas
d'insuffisance du patrimoine personnel, et par dérogation au principe de séparation des patrimoines, le « droit de
gage général des créanciers [personnels] peut s'exercer sur le patrimoine professionnel dans la limite du montant du
bénéfice réalisé lors du dernier exercice clos ».
38. CPC exéc., art. L. 121-2.

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