Hors collection - Réforme du statut de l'entrepreneur individuel - 93

CHAPITRE 2 - LE FONCTIONNEMENT DU PATRIMOINE PROFESSIONNEL
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insaisissables par ses créanciers personnels. Ainsi présentée, la réforme ferait parfaitement écho aux
annonces du gouvernement, comme ce fut le cas avec l'instauration de l'EIRL95
.
Le législateur a toutefois consacré un grand nombre de dérogations à ce principe de scission patrimoniale,
à tel point que l'on s'interrogera légitimement sur la portée de ce dernier96
liens entre l'insaisissabilité et les modalités de gestion du patrimoine professionnel ne doit dès lors
pas se concentrer sur l'assiette de ce dernier mais sur les possibilités qu'aura un créancier déterminé
de ne pas en respecter les frontières97
que cette réforme ne se révèle trop favorable aux banquiers99
.
Une fois le référentiel et la démarche de l'étude déterminés, un constat s'impose : la scission patrimoniale
consacrée par la loi du 14 février 2022, et l'insaisissabilité corrélative des éléments qui composent
chacun des patrimoines, personnel et professionnel, de l'entrepreneur individuel demeurent en
effet vouées à céder soit automatiquement (A), soit volontairement (B).
A. L'éviction automatique de l'insaisissabilité
156. L'étanchéité des frontières du patrimoine professionnel de l'entrepreneur individuel sera automatiquement
remise en cause, soit à titre de sanction de ce dernier (I), soit afin de garantir le recouvrement
des créances détenues par ses créanciers personnels (II).
I - L'éviction sanctionnant le débiteur
157. La frontière des patrimoines personnel et professionnel de l'entrepreneur individuel garantissant
l'insaisissabilité de ses biens sera remise en cause à titre de sanction, lorsque ce dernier n'aura pas
respecté les obligations qui lui incombent, soit légalement (a), au titre de ses dettes fiscales et sociales,
soit contractuellement (b), lorsque le transfert du patrimoine professionnel sera envisagé.
de la modification de la saisissabilité des biens, qui a divisé la doctrine, certains redoutant que l'augmentation
du domaine de l'insaisissabilité ne tarisse le crédit98
. La recherche des
. Cette approche permet de révéler le débat entourant la question
,là où d'autres craignent au contraire
95. Y. Lequette, « Prolégomènes », in « La théorie du patrimoine, unité ou affectation ? », RLDC 2010, nº 77, p. 63.
96. CE, avis, 30 sept. 2021, nº 403701, § 8 : « Enfin, sur le terrain de la cohérence entre le contenu du projet de loi et les
objectifs poursuivis par le Gouvernement, le Conseil d'État exprime ses doutes, d'une part, quant à l'effectivité de la
protection offerte à l'entrepreneur individuel en tant que débiteur, et d'autre part, quant à la réalité de la simplification
de la situation juridique de celui-ci, compte tenu des dérogations prévues par le projet de loi ».
97. L. Lauvergnat, « Une manière d'envisager le droit de gage général (à propos de la loi nº 2022-172 du 14 février 2022
en faveur de l'activité professionnelle indépendante) », Procédures, nº 5, mai 2022, alerte 14, § 3 : « [P]lus que jamais,
la généralité du droit de gage du créancier s'affirme non pas à travers l'assiette sur lequel il porte, mais à travers les
prérogatives dont le créancier est investi ».
98. S. Piédelièvre, « Premières remarques sur la loi du 14 février 2022 en faveur de l'activité indépendante », JCP N, nº 9,
4 mars 2022, act. 301 : « L'augmentation de l'insaisissabilité réduit l'accès au crédit. À vouloir trop protéger, on risque
parfois de nuire ».
99. B. Dondero, « Place à l'entrepreneur individuel à deux patrimoines (EI2P) ! », Sociétés, 2022, p. 199, nº 3, estimant que
« s'il est un créancier qui devrait profiter de la réforme, c'est bien le banquier ». L'auteur précise que « s'il est bien un
créancier qui prendra la précaution de demander une renonciation à la séparation des patrimoines, ce sera lui [le
« banquier »]. Et parce qu'il sera souvent le seul créancier professionnel à en bénéficier, il jouira par rapport aux autres
créanciers d'une forme d'exclusivité, assimilable à une sûreté négative ». Dans le même sens : C. Favre-Rochex, « Le
nouveau patrimoine professionnel », JCP E, nº 13, 31 mars 2022, 1136, p. 21, § 18 : « les grands perdants pourraient,
en définitive, être la piétaille de créanciers non institutionnels, qui ne songeront pas à requérir, systématiquement, une
renonciation des entrepreneurs avec lesquels ils traiteront ».
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