Hors collection - Les grands défis des finances publiques du XXIe siècle au Maroc et en France - 96

88
La prise en charge des besoins liés à la perte d'autonomie
des consommations d'aide à domicile juste après le seuil de fin de prise en charge à
100 %. Cette réactivité implique que des ménages, à qui une équipe médico- sociale
a prescrit des soins partiellement couverts par l'APA, renoncent à tout ou partie
de ce plan d'aide du fait du reste à charge. Nous sommes donc bien en présence
d'une situation de renoncement aux soins prescrits pour raisons financières, donc
d'une inégalité d'accès à la protection sociale.
C. Des associations sous pression
Par ailleurs, de grandes questions se posent sur les conditions de travail des
salariés (en très grande majorité des salariées) de ce secteur. Plusieurs facteurs
concourent à de piètres conditions de travail. Premièrement, les interventions
au domicile des patients sont relativement courtes et les salariées doivent donc
passer une grande partie de leur journée de travail dans les transports. Outre que
les transports ont un coût direct et que les salariées ne sont pas toujours compensées
pour leurs dépenses de carburant et l'usure de leurs véhicules, cela constitue
du temps dévolu au travail (et potentiellement une part non négligeable de ce
temps) qui n'est pas toujours rémunéré. Ceci peut entraîner des rémunérations
effectives, rapportées au temps effectivement dévolu au travail, inférieures au salaire
minimum3
.
Cette situation est d'autant renforcée que la majeure partie des services sont
fournis à travers des associations, souvent dépendant directement des départements.
Or, les finances de ces associations sont très contraintes et elles sont forcées
de reporter ces difficultés sur les salariées. En effet, les tarifs sont de fait décidés par
le département dans le cadre de l'APA. De plus, les associations départementales
ont l'obligation de servir l'ensemble du département et de proposer le même prix
pour tous les lieux. En revanche, dans les plus grandes villes où les déplacements
sont plus courts et donc les frais de transport plus faibles, elles sont concurrencées
par des entreprises privées qui n'ont pas les mêmes obligations. Ceci les empêche
de réaliser une compensation entre les prestations de services dans des endroits
plus ou moins coûteux à desservir.
Enfin, les revendications syndicales sont complexes à opérer, comme souvent
dans le monde associatif. Du fait des besoins sociaux de leurs patients, les salariées
s'imposent bien souvent une interdiction morale à faire grève. De plus, l'absence
de lieu de travail commun limite fortement la constitution de collectifs de travail :
la représentation syndicale est pratiquement nulle et l'information sur les droits
3. C. Carbonnier, N. Morel, Le retour des domestiques, La République des idées, Éditions du Seuil,
2018.

Hors collection - Les grands défis des finances publiques du XXIe siècle au Maroc et en France

Table des matières de la publication Hors collection - Les grands défis des finances publiques du XXIe siècle au Maroc et en France