Droit et Société - Volume 62 - La gouvernance publique - 33

INTRODUCTION GÉNÉRALE
l'efficacité en matière de justice est un objet d'étude depuis deux décennies 138.
Cette évolution se caractérise également par une dimension institutionnelle depuis
la création de la Commission européenne pour l'efficacité de la justice
(CEPEJ) en 2002.
En dépit de cette diversification des responsabilités et des fonctions du droit,
faut-il pour autant conclure à l'hybridation de la rationalité juridique? A priori,
la réponse ne pourrait qu'être négative compte tenu de la rationalité interne du
droit. À titre d'exemple, le droit partage avec les sciences exactes et appliquées
quelques principes, notamment ceux de la régularité et de la validité. Pour les
sciences appliquées, la validité est fondée sur de la recherche expérimentale qui
a pour objet des êtres humains, ainsi que divers types de matières vivantes ou
inertes 139. À l'inverse, et c'est un fait très connu, les juristes remontent en amont
vers une réalité déjà construite (lois, règlements, jurisprudence) qui constitue une
première interprétation de la réalité, si ce n'est une seconde, dans le cas des arrêts.
Dans ce second cas, la validité repose sur l'emploi de plusieurs procédés,
comme par exemple, le syllogisme, ou l'analyse des précédents pour le monde
de common law 140. Les méthodes du droit ne sont pas pour autant des exclusivités
puisque le recours à l'analogie, si importante soit-elle en common law, caractérise
également les sciences appliquées 141. En dépit de la persistance du paradigme
scientifique dans la pensée juridique 142, les démarches ne sont pas du
même type. Les matériaux restent différents puisque les juristes comparent des
réalités construites par le droit, alors que les scientifiques comparent des faits qui
peuvent être observés et analysés suivant des procédés très différents. La conclusion
serait celle du parallélisme où les rationalités resteraient distinctes. Cette
vision est rassurante car elle ne permet pas de confondre l'expertise des uns avec
celle des autres.
V. La perméabilité du droit public
Une analyse plus attentive du travail des juristes, ainsi que celui des juges,
invite à plus de prudence. En droit constitutionnel, le thème de la perméabilité a
été analysé en termes explicites 143. Pour l'analyse du contentieux constitutionnel
de l'efficacité de la procédure pénale, et le titre V vise à renforcer l'efficacité et le sens de la
peine.
138. Hector FIX-FIERRO, Courts, Justice and Efficiency. A Socio-legal Study of Economic Rationality
in Adjudication, Hart, Oxford, 2004 ; Klaus MATHIS, Efficiency Instead of Justice?, Springer,
Berlin, 2009 ; Anna OLIJNYK, Justice and Efficiency in Mega-Litigation, Hart, Oxford, 2019.
139. Claude BERNARD, Introduction à l'étude de la médecine expérimentale (1865), Garnier Flammarion,
Paris, 1966, p. 244 (principe du déterminisme expérimental).
140. Frederick SCHAUER, Penser en juriste. Nouvelle introduction au raisonnement juridique, Dalloz,
Paris, 2018, chap. 3 (La pratique du précédent et ses problèmes), p. 39 et s.
141. William Hilton LEATHERDALE, The Role of Analogy, Model and Metaphor in Science, NorthHolland,
Amsterdam, 1974.
142. Alfred DUFOUR, « Le paradigme scientifique dans la pensée juridique moderne », dans Paul
AMSELEK (dir.), Théorie du droit et science, PUF, Paris, 1994, p. 147.
143. Marthe FATIN-ROUGE STÉFANINI et Laurence GAY (dir.), La perméabilité du droit constitutionnel
aux autres sciences, Presses universitaires d'Aix-Marseille, Aix-en-Provence, 2017.
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DROIT ET SOCIÉTÉ, VOL. 62, 2022

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