Bibliothèque de droit public - Tome 330 - La déontologie du juge administratif - 137

LE DÉPASSEMENT NÉCESSAIRE DE SOLUTIONS ÉPROUVÉES
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147. Depuis 1945, le recrutement des auditeurs au Conseil d'État procède du
concours de l'École Nationale d'Administration (ENA), nourrissant d'autant plus l'indépendance
à l'égard du pouvoir que le juge administratif contrôle, depuis la décision
Barel rendue en 1954, la teneur des motifs allégués par l'administration pour s'opposer
à ce qu'un candidat concoure. La censure de motifs tenant aux opinions politiques
de l'intéressé est un garde-fou précieux83. Le Code de justice administrative est
aujourd'hui le fondement de ce mode de recrutement, puisque l'article L. 133-6 dispose
que les auditeurs de 2e
classe sont nommés parmi les anciens élèves de l'École
Nationale d'Administration selon les règles propres au classement des élèves de cette
école, et l'article L. 233-2 reconduit la même règle à l'égard des magistrats des tribunaux
administratifs et des cours administratives d'appel. Pour appréciable qu'il soit,
eu égard au niveau de compétences qu'il atteste et à l'objectivité qu'il assure, ce
concours n'est toutefois pas spécifique à la sélection des membres de la juridiction
administrative. Il produit également les futurs agents de la haute administration active,
ce qui signifie qu'un seul et même jury de fin d'études proposera tout à la fois les
nominations aux fonctions hiérarchiquement subordonnées au sein de l'administration
active, et celles relatives aux fonctions indépendantes de juge administratif. Cette
identité du recrutement a pu être analysée comme révélatrice d'une « incorporation
organique des membres des juridictions administratives à la haute administration
active »84.Si l'on ne peut nier cette parenté dans la sélection, alors qu'avant la création
de l'ENA les auditeurs de 2e
classe l'étaient par la voie d'un concours propre au
Conseil d'État85, il ne faut toutefois pas surinterpréter ce paramètre, car cela reviendrait
à faire fi de l'existence d'autres leviers de l'indépendance du juge administratif,
déjà mis en évidence dans la présente étude ou envisagés ultérieurement.
148. Spécifique au recrutement des aspirants aux fonctions de juge administratif,
le concours dit « complémentaire » fait aujourd'hui figure de vivier principal des
futures recrues du corps des tribunaux administratifs et cours administratives d'appel.
L'accès au corps emprunte effectivement, depuis 1980, une voie alternative à l'ENA,
prévue aujourd'hui à l'article L. 233-6 du Code de justice administrative qui en
énonce les conditions d'accès86. Institué par la loi du 7juillet 1980 pour une période
allant jusqu'au 31 décembre 1985, ce concours, qui remédie à l'insuffisance des
recrutements par la voie de l'ENA, fut prorogé une première fois, par la loi du 6janvier
1986 jusqu'au 31 décembre 1990 puis une seconde fois, par l'article 7 de la loi du
83. CE Ass., 28 mai 1954, Barel, nº 28238, 28493, 28524, 30237 et 30256, Leb. 308. L'arrêt énonce
que « s'il appartient au secrétaire d'État, chargé par les textes précités d'arrêter la liste des candidats
admis à concourir, d'apprécier, dans l'intérêt du service, si les candidats présentent les garanties requises
pour l'exercice des fonctions auxquelles donnent accès les études poursuivies à l'École nationale d'administration
et s'ilpeut, à cet égard, tenir compte defaits et manifestations contraires à la réserve que doivent
observer ces candidats, il ne saurait, sans méconnaître le principe de l'égalité de l'accès de tous les Français
aux emplois etfonctions publics, écarter de ladite liste un candidat en sefondant exclusivement sur ses
opinions politiques ».
84. MANSON S., op. cit., p. 304.
85. Répertoire de contentieux administratif, Dalloz, Rubrique « Conseil d'État », Titre 1, Chapitre 2,
Section 2, Art. 1.
86. « Le concours externe est ouvert aux titulaires de l'un des diplômes exigés pour se présenter au
premier concours d'entrée à l'École nationale d'administration.
(86) Le concours interne est ouvert aux fonctionnaires ainsi qu'aux magistrats de l'ordre judiciaire et
autres agents publics civils ou militaires appartenant à un corps ou cadre d'emplois de la catégorie A ou
assimilé et justifiant, au 31 décembre de l'année du concours, de quatre années de services publics effectifs
».

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