Revue du droit public et de la science politique en France et à l'étranger n°1-2023 - 174

172
STEVE TAMETONG NGUEMO TSIDIÉ
nouvelles grilles d'analyse commandées non seulement par ce que l'on peut
considérer comme les acquis du Sénat depuis son entrée en fonction effective
dans les pays sous étude, mais surtout par l'apparition des nouveaux défis
consubstantiels à un monde en constante mutation (36). La première grille
d'analyse permet ainsi de saisir l'institution sénatoriale à partir du bilan de
son action. La seconde grille permet de questionner l'opportunité de l'existence
du Sénat à partir des nouveaux enjeux sécuritaires, de développement et
d'intégration régionale qui incombent désormais à l'État. Le mérite de cette
double grille d'analyse réside dans le fait qu'elle situe la présente réflexion
dans la concrétude empirique de l'action du Sénat, loin des controverses et
spéculations doctrinales.
Elle est construite autour de l'hypothèse selon laquelle la pratique du
bicaméralisme au Gabon et au Cameroun est sous-tendue par une logique
autre que celle du renforcement de la représentativité et de la démocratie
comme c'est le cas dans les pays de tradition parlementaire bicamérale dont
ils s'inspirent (37). À partir de l'analyse des textes, d'une part, et d'une
approche méthodologique mettant en scène l'acteur et le système (38),
d'autre part, la présente réflexion démontre qu'au nom de la rationalisation
des institutions étatiques, les États du Gabon et du Cameroun peuvent s'affranchir
du bicaméralisme et su Sénat au regard du bilan contrasté de cette
institution (I) et de son opportunité contestée à l'ère des nouveaux défis en
Afrique centrale (II).
I. - Un bilan contrasté du Sénat
Il n'est sans doute pas osé de questionner l'utilité de l'institution sénatoriale
au Gabon et au Cameroun à partir du bilan de leur action. Si le Sénat
camerounais entrera bientôt dans sa dixième année d'existence, le Sénat gabonais,
quant à lui, est auréolé de sa 25e
bougie d'existence. Il va sans dire que
le bilan des deux institutions ne saurait être apprécié sur une même échelle.
Néanmoins, il est aisé de dégager des tendances communes à partir des pouvoirs
qui leur ont été aménagés dans la Constitution respective de ces deux
pays. Qu'il s'agisse du Sénat gabonais ou camerounais, l'on observe une restriction
dans l'exercice des pouvoirs législatifs (A) et une mise en œuvre limitée
des pouvoirs extra-législatifs (B).
de la République, 2008, Éd. du Rocher ; Aboya Endong M., « Le bicamérisme en
Afrique... », art. préc.
(36) Kamto M. (dir.), L'Afrique dans un monde en mutation. Dynamiques internes,
marginalisation internationale ?, 2010, Yaoundé, Afrédit ; Shanda Tonme J.-C.,
L'Afrique et la mondialisation, 2009, L'Harmattan.
(37) Russell M., The Contemporary House of Lords..., op. cit.
(38) Crozier M., Friedberg E., L'acteur et le système, 2014, Seuil.
REVUE DU DROIT PUBLIC - N° 1-2023
Revue du droit public et de la science politique en France et à l'étranger n°1-2023

Table des matières de la publication Revue du droit public et de la science politique en France et à l'étranger n°1-2023
