Bibliothèque de droit privé - Tome 628 - Les sources du droit financier - 507

LES CARACTÉRISTIQUES SINGULIÈRES DES SOURCES DU DROIT FINANCIER
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(finance) et non sa maîtresse »191. Dans les deux hypothèses est à l'œuvre un processus
de dilution, les finalités propres à l'institution réglementée se diffusant dans l'institution
juridique qui n'a pas d'autres choix, sous peine de disqualification, que de les
absorber.
740. Le rôle des sources dans ce processus. La porosité de l'institution juridique
aux finalités de l'objet qu'elle prétend encadrer s'explique en partie par les
modes de production du droit financier. À nouveau la participation d'acteurs émanant
directement ou indirectement de la place financière garantit que les finalités qu'ils
servent lors de la conception de la norme soient bien celles des marchés. Concernant
les acteurs privés, le fait qu'ils soient des parties prenantes directes de la place garantit
qu'ils s'inscriront dans ses objectifs. Quant au régulateur, sa mission de protection des
marchés, sa composante professionnelle et sa proximité avec la place assurent également
la primauté de ces objectifs. Ainsi, les auteurs originaux de la norme financière
contribuent de façon déterminante à diffuser les finalités de l'objet financier lors de la
création de la norme et à les imprimer sur celles qu'ils conçoivent.
B. ENJEUX DU PHÉNOMÈNE
741. Empiètement sur les finalités de l'institution juridique. L'impact de ce
phénomène d'infusion des finalités attachées à l'institution financière au sein du
droit doit alors être jaugé. Remarquons en premier lieu que l'intrusion de l'institution
financière au sein de l'institution juridique revêt un caractère larvé, ce qui nuit à sa
lisibilité. Les normes et les finalités financières se glissent dans ce qui constitue traditionnellement
les attributs, les atours de l'institution juridique, pouvant alors laisser
penser que le rapport de force qui se joue se solde en sa faveur. Or, cela n'est pas
certain. Si les supports, les institutions ou encore le langage caractérisant le droit persistent,
la substance des normes et les finalités qui transcendent l'ensemble qu'elles
forment apparaissent colonisées par l'objet financier. Outre son déficit de netteté
empêchant de prendre la juste mesure de la dilution, le processus à l'œuvre présente
le risque d'une dissolution des finalités caractérisant traditionnellement l'institution
juridique au profit de celles singularisant l'institution financière.
742. Ampleur et enjeux théoriques de la dilution. Une interrogation quant à
l'ampleur du processus de dilution émerge. Est-ce que l'intégration des finalités propres
à l'ordre normatif financier - le bon fonctionnement des rouages du marché et sa
pérennité - ont conduit à supplanter, voire à dissoudre, les finalités traditionnellement
poursuivies par le droit192 ?L'ensemble que constitue le droit financier poursuit-il
toujours un objectif de paix sociale et de justice ou répond-il aux seuls objectifs caractérisant
les marchés financiers ? La question revêt une importance théorique certaine
car si les finalités du droit le singularisent - « le droit se défini(ssant) par sa fin »193 -
et qu'un ensemble de normes a priori juridiques épousent d'autres finalités, leur
nature juridique devient alors sujette à caution. Face à ce risque, deux directions peuvent
alors être envisagées. Une première voie consiste en un refoulement du
191. Ibid., nº 7.
192. Pour une interrogation similaire dans une étude dédiée au droit de la concurrence, voir
L. VOGEL, « L'économie, serviteur ou maître du droit », art. préc., spéc. p. 606, s'interrogeant sur le
point de savoir si « la progression de l'économie n'annonce-t-elle la fin du droit ? ».
193. Voir en ce sens, M. VILLEY, Philosophie du droit Définitions et fins du droit Les moyens du
droit, op. cit., p. 35.

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