Revue Droit & Littérature - Revue Droit & Littérature N°7-2023 : Notre Péguy - 234

VARIÉTÉS
La Brige s'interroge sur son comportement dans un seul texte, Un Homme qui boit. Il est hanté
par des rêves lui rappelant qu'il se serait mal conduit à cause de son ébriété. D'abord avec un vieil
homme indifférent à ses facéties : « Je le désignais, de mon bras étendu, vociférant : " C'est comme
ce vieil imbécile !... C'est comme ce vieil imbécile " ». Puis avec Mme de Maurianne, dont il aurait
peut-être abusé. C'est la seule occurrence où il trouve son cas pendable et l'affaire énorme, alors
que les faits sont peut-être le fruit de ses divagations.
Conclusion
L'hyperactivité et l'outrecuidance de La Brige l'entraînent dans des situations radicales et ridicules,
à ses dépens. Il fait aussi enrager celui qui entraverait sa liberté, en recourant, si besoin, à la
violence. La volonté farouche de La Brige d'être toujours « dans son bon droit » et de revendiquer
sa probité sont une source inépuisable de comique.
La philosophie de Courteline rappelle que « l'avantage qu'il y a dans le vrai, c'est que toujours,
forcément, on finit par avoir raison. En théorie du moins »65
. Tel est le cœur des histoires dont
La Brige est le protagoniste. Toutes les situations imaginées par Courteline démontrent que le
vrai est parfois difficile à faire voir et valoir dans une société qui accepte les paradoxes et compose
avec l'absurdité. La Brige, chicaneur et grotesque, répond abruptement à de vraies questions
philosophiques : où sont les frontières entre espace privé, espace public et intimité ? L'argent
est-il le révélateur des conflits avec autrui ? N'est-il pas risqué d'avoir raison ? L'outrecuidance ne
génère-t-elle pas la violence ?
En grossissant le trait, en radicalisant les situations et les réactions, Courteline nous tend le
miroir déformant de tout ce qui nous agace, nous énerve ou nous rend fous. La Brige aurait pu
dire comme Courteline : « Il est consolant de penser que si la folie ne gagne rien au contact de la
raison, en revanche la raison s'altère au contact de la folie ».
Bibliographie
Courteline Georges, 1990, Théâtre, contes, romans et nouvelles, philosophie, écrits divers et fragments
retrouvés, Paris, Robert Laffont, coll. Bouquins.
Furetière A., 1978, Dictionnaire universel, SNL, Dictionnaire Le Robert, Paris, 3 volumes
Haymann, Emmanuel, 1990, Courteline, Grandes biographies Flammarion, Paris.
Juillet P., 2000, Dictionnaire de psychiatrie, Éditons CILF, Paris.
65. La philosophie de Courteline, p. 805. Courteline rassembla, à la fin de sa vie, aphorismes et boutades tirées de tous ses textes. Les sections
ont des titres éloquents comme : « De la vérité et de la difficulté qu'il y a à la faire sortir de son puits », « Où les vérités qui, sans
doute, ne sont guère que des paradoxes, alternent avec des paradoxes qui sont peut-être bien des vérités », « De la justice telle qu'elle
est rendue par les juges, et du profond chagrin qu'éprouve le justiciable de ne pouvoir la prendre au sérieux ».
234 Droit & Littérature - Numéro 7

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