Revue Droit & Littérature - Revue Droit & Littérature N°7-2023 : Notre Péguy - 91

Le thème
aux principes de la justice et du droit international, l'ajustement ou le règlement de différends ou
de situations, de caractère international, susceptibles de mener à une rupture de la paix »58
.
La création d'un Conseil de sécurité chargé de « la responsabilité principale du maintien de
la paix » et tenu « dans l'accomplissement de ces devoirs, [d'agir] conformément aux buts
et principes des Nations unies » témoigne de cette double finalité d'établir la paix comme
objectif et le droit comme moyen59
de justice, que les institutions internationales peuvent consulter dans le cadre de l'exercice
de leur mandat60
et les États saisir aux fins de règlement juridictionnel de leurs différends
exprime toujours la même ambition de faire du droit le fondement de la paix61
.
Ainsi, l'idée de paix par le droit ne peut être réduite à un simple enfantillage. Son passé s'y oppose
autant que son devenir. Elle a constitué la matrice même du développement des relations internationales,
en Europe et au-delà, depuis plusieurs siècles, contribuant puissamment à l'affirmation
de la paix comme objectif et du droit comme moyen. Bien sûr, l'objectif n'a pas été unanimement
partagé, il s'est toujours trouvé quelques personnalités pour maintenir l'aiguillon des valeurs guerrières62
:
Péguy s'inscrit dans cette lignée, quoique pour des motifs différents, et certainement plus
affectivement nationalistes que véritablement intellectuels. De la même façon, affirmer le droit
comme le moyen de cet objectif n'a pas été sans déceptions : les exemples abondent, dans l'histoire
aussi bien qu'à l'heure où sont écrites les présentes lignes. Ce constat est-il de nature à avaliser la
critique de Péguy ? Il convient pour cela de l'approfondir, au-delà du slogan, pour envisager de
façon plus détaillée la manière dont s'articulent l'idée de guerre et celle de droit.
II. L'enfantement réciproque de la guerre
et du droit
« Le droit ne fait pas la paix, il fait la guerre. Et il n'est pas souvent fait par la guerre ». Péguy
établit d'emblée entre le droit et la guerre un rapport plus fécond que celui qu'il avait admis entre
le droit et la paix. Il admet pleinement que le droit fasse la guerre, et dans une moindre mesure
que la guerre fasse le droit. Péguy admet donc entre la guerre et le droit un rapport d'enfantement
réciproque, encore qu'asymétrique. Il s'agit alors d'étudier ce double rapport d'engendrement du
droit par la guerre (A.) et de la guerre par le droit (B.).
58. Charte des Nations unies, art. 1, par. 1 (nous soulignons).
59. Les citations de cette phrase sont tirées de l'article 24 de la Charte des Nations unies.
60. Charte des Nations unies, arts 93 et 94.
61. Idem, art. 96.
62. Hegel affirme ainsi dans son Droit naturel que « la guerre préserve la santé morale des peuples » (G. W. Hegel, Le Droit naturel,
Paris, Gallimard, 2006 (publication originale : 1803), p. 372). Nietzsche affirme pour sa part qu'« une humanité aussi supérieurement
civilisée, et par suite aussi fatalement exténuée que celle des Européens d'aujourd'hui, a besoin, non seulement de guerres, mais des
plus grandes et des plus terribles qui soient » (F. Nietzsche, Humain, trop humain, trad. A.-M. Desrousseaux, Œuvres complètes de Frédéric
Nietzsche, 1906 (publication originale : 1878), vol. 5, § 477).
Droit & Littérature - Numéro 7 91
. La création concomitante d'une Cour internationale

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