Bibliothèque de droit des entreprises en difficulté - Tome 29 - Le traitement des risques de défaillances bancaires - 359

LA PRATICABILITÉ DU MÉCANISME DE RÉSOLUTION BANCAIRE
359
d'activités à la création d'une compagnie financière holding mère110 constitue une
grave atteinte à la liberté de gestion des établissements bancaires. C'est dans le but
de garantir la proportionnalité de cette immixtion par rapport à l'objectif de stabilité
financière que l'ordonnance de transposition de la directive BRRD subordonne
l'adoption de ces mesures à un critère de gravité. En effet, selon l'article 3 de l'ordonnance
nº 2015-1024 du 20 août 2015, l'exigence de ces mesures suppose « d'importants
obstacles à ce qu'un établissement de crédit ou une entreprise d'investissement
puisse être liquidé ou faire l'objet de mesure de résolution »111. Si cette précision
textuelle supprime toute marge de manœuvre à l'autorité de résolution, on pouvait
logiquement s'attendre à ce que ce dernier, prenant en compte le principe de proportionnalité,
n'exige de telles mesures que si les obstacles à la résolvabilité sont
importants112. La planification de la résolution de l'établissement de crédit peut
avoir un impact sévère sur sa structure et son business model alors même que l'on
peut douter de son efficacité.
633. La constitutionnalité du pouvoir d'immixtion de l'autorité de résolution.
Face à ce pouvoir exorbitant conféré à une autorité administrative sur un établissement
en bonne santé financière, on peut s'interroger sur sa constitutionnalité en
droit interne. Le bloc de constitutionnalité français protège la liberté d'entreprendre
et le droit de propriété. Dans sa décision nº 2006-540 du 27juillet 2006, si le Conseil
relève que la transposition d'une directive est une obligation constitutionnelle, il souligne,
cependant, à l'instar des Cours constitutionnelles allemande et italienne que « la
transposition d'une directive ne saurait aller à l'encontre d'une règle ou d'un principe
inhérent à l'identité constitutionnelle de la France, saufà ce que le constituant y
ait consenti »113. À travers cette identité constitutionnelle, le juge constitutionnel vise
« les règles et principes étrangers aux traditions constitutionnelles communes ou qui
ne bénéficient pas d'une protection équivalente dans l'ordre juridique de
l'Union »114. Or comme le relève le professeur Hervé Synvet, le droit de propriété
comme la liberté d'entreprendre sont garantis par la Charte des droits fondamentaux
de l'Union européenne115. En tout état de cause, les dispositions transposant la directive
BRRD en matière de résolvabilité des établissements bancaires ne semblent pas
heurter l'identité constitutionnelle française. Dans une décision récente du 6 février
2015, le Conseil constitutionnel a, par exemple, considéré que l'article L. 612-33 du
Code monétaire et financier permettant à l'ACPR d'ordonner le transfert d'office de
tout ou partie d'un portefeuille de contrats d'assurance, bien que portant atteinte au
110. SYNVET H., L'application du principe de légalité en matière de résolution bancaire, in Mélanges
en l'honneur de Jean-Jacques Daigre, Lextenso, p. 805.
111. À ce propos le considérant 29 de la directive BRRD dispose qu' « afin de ne pas porter atteinte
à la liberté d'entreprise reconnue par l'article 16 de la Charte, le pouvoir discrétionnaire des autorités
devrait se limiter à ce qui est nécessaire pour simplifier la structure et les activités de l'établissement à
seule fin d'en améliorer la résolvabilité [...]. Les mesures ne devraient comporter aucune discrimination
directe ou indirecte enfonction de la nationalité et devraient êtrejustifiés avant tout par la nécessité absolue
de préserver la stabilité financière dans l'intérêt général ».
112. SUSSET E., Le régime français de prévention et de gestion des crises bancaires après la transposition
de la directive sur la résolution bancaire, op. cit., p. 108.
113. Cons. const., 27 juillet 2006, nº 2006-540, Loi nº 2006-961 du 1er
p. 210.
p. 807.
août 2006 relative au droit
d'auteur et aux droits voisins dans la société de l'information.
114. NABLI B., L'identité constitutionnelle nationale : limite à l'Union européenne ?, Rev. UE, 2012,
115. SYNVET H., L'application du principe de légalité en matière de résolution bancaire, op. cit.,
Bibliothèque de droit des entreprises en difficulté - Tome 29 - Le traitement des risques de défaillances bancaires

Table des matières de la publication Bibliothèque de droit des entreprises en difficulté - Tome 29 - Le traitement des risques de défaillances bancaires
