Bibliothèque de droit des entreprises en difficulté - Tome 31 - Les droits des obligataires confrontés à la procédure collective de l’émetteur - 104

104 LES DROITS DES OBLIGATAIRES CONFRONTÉS À LA PROCÉDURE COLLECTIVE DE L'ÉMETTEUR
dérogatoire aux règles de compétence exclusives posées par le Code de commerce,
autorise n'importe quel créancier à agir en justice, dès lors qu'il a été désigné contrôleur.
Dans la première hypothèse, l'obligataire désigné aux fonctions de contrôleur se
verrait ainsi confisquer l'action qui lui est confiée par l'article L. 622-20 du Code de
commerce, au profit du représentant de la masse. Cette affirmation se heurte cependant
à une première objection de taille, tenant à ce que seul un créancier contrôleur
peut exercer l'action subsidiaire. Ainsi, sauf à ce que le représentant de la masse ait
été désigné contrôleur ab initio, on voit mal ce qui pourrait lui permettre d'agir en
justice au nom et dans l'intérêt collectif des créanciers au titre de l'article L. 622-20
du Code de commerce. À considérer que tel est le cas, la rigueur juridique impliquerait
alors, en amont de toute action en justice, une autorisation de l'assemblée générale
des obligataires, conformément à l'article L. 228-54 du Code de commerce. Partant,
on se retrouverait dans une situation où la défense de l'intérêt collectif des créanciers
dépendrait de l'aval d'une majorité d'obligataires, et ce, alors même que les autres
créanciers de la procédure ne seraient pas consultés. Cette hypothèse semble d'autant
plus incohérente que l'action du contrôleur, à l'égal de celle du mandataire judiciaire
dont elle est le décalque169,n'est conditionnée par aucune autorisation et peut être
exercée dès lors que la carence est matérialisée170. Il nous semble, de fait, plus raisonnable
de considérer que l'article L. 622-20 du Code de commerce entend simplement
poser une exception au principe de compétence exclusive posé par ce même article.
La désignation d'un obligataire en qualité de contrôleur devrait ainsi être possible, de
même que l'exercice par ce dernier de l'action subsidiaire au nom et dans l'intérêt
collectif des créanciers.
83. Conclusion du § 2 - Souvent ignorée par la pratique, l'action subsidiaire de
l'obligataire désigné contrôleur se présente comme un moyen de défense alternatif
efficace, en contournement des effets de la « masse dans la masse ». Dans ce cadre,
l'obligataire pourrait engager toute action en justice au nom et dans l'intérêt collectif
des créanciers, en cas de carence du mandataire judiciaire. L'absence de contentieux
en la matière fait cependant douter de l'intérêt que revêt en pratique une telle faculté.
Peut-être les obligataires y voient-ils une perte de temps pour un résultat peu satisfaisant
(le produit de l'action réintégrant le patrimoine du débiteur) alors même qu'ils
trouvent, sur le terrain de la défense de leurs intérêts communs, une voie beaucoup
efficace pour obtenir réparation du préjudice causé par les tiers.
84. Conclusion de la Section 2 - Il vrai qu'àl'inverse de la jurisprudence classique
restreignant l'action individuelle des créanciers, les tribunaux accueillent déjà
depuis plusieurs années l'action du représentant de la masse à l'encontre de tiers
ayant causé un préjudice commun aux obligataires. À cet égard, l'arrêt du 2juin
2015, consacrant le critère de « l'action tendant à la préservation et la reconstitution
du gage commun », n'a eu que peu d'effet sur la recevabilité de telles actions. Récemment,
le contentieux initié par certains obligataires de la société Solabios est par ailleurs
venu rappeler la possibilité offerte aux obligataires d'agir individuellement en
réparation d'un préjudice personnel, distinct du préjudice collectif et étranger à la
reconstitution du gage commun des créanciers. C'est dire que, si le chemin est long
169. LUCAS F.-X., obs. ss. Cass. com., 23 avr. 2013, LEDEN juill. 2013, p. 3.
170. Sauf le cas spécifique de certaines actions en responsabilité, sanctions patrimoniales et pénales
limitativement énumérées, où la règle de la collégialité impose qu'elles soient engagées par la majorité des
contrôleurs, v. supra nº 77.

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