Bibliothèque de droit des entreprises en difficulté - Tome 31 - Les droits des obligataires confrontés à la procédure collective de l’émetteur - 136

136 LES DROITS DES OBLIGATAIRES CONFRONTÉS À LA PROCÉDURE COLLECTIVE DE L'ÉMETTEUR
§1. LE FAIT GÉNÉRATEUR DE LA CRÉANCE RÉSULTANT
D'UN PRÊT D'ARGENT
118. Plan - Les évolutions relatives à la qualification juridique du contrat de
prêt sont des pistes de réflexion qu'il peut être utile d'explorer pour le cas des opérations
d'émissions d'obligations ordinaires. En droit civil, le contrat réel naît de la
remise de la chose. Traditionnellement qualifié de contrat réel, le prêt naît donc de
la remise des fonds, laquelle fait naître l'obligation de rembourser la somme d'argent
prêtée. Le droit des procédures collectives, dans une logique similaire, se concentre
sur le fait générateur de la créance, lequel pour le cas du prêt s'entend également de la
remise des fonds. Si cette remise est antérieure à l'ouverture de la procédure collective,
la créance doit être déclarée à la procédure et le contrat de prêt n'est pas un
contrat en cours au sens de l'article L. 622-13 du Code de commerce184. À défaut de
remise des fonds, le contrat serait alors en cours au sens de l'article L. 622-13 du Code
de commerce et la créance résultant d'un versement postérieur à l'ouverture de la
procédure collective pourrait alors échapper au principe de l'interdiction des paiements,
sous réserve de démontrer son caractère méritant. Le raisonnement est simple,
mais il est trompeur. La réponse est en réalité bien plus complexe depuis que la Cour
de cassation reconnaît le caractère consensuel du contrat de prêt conclu par un professionnel
du crédit (I), analyse reprise en matière de procédure collective pour déterminer
le fait générateur de la créance de remboursement des fonds prêté (II).
I. LE FAIT GÉNÉRATEUR DE LA CRÉANCE DE REMBOURSEMENT
EN DROIT CIVIL
119. Caractère réel du contrat de prêt - Le caractère réel du contrat de prêt a
déjà fait l'objet de nombreuses études185, notre propos se concentrera donc essentiellement
ici sur la genèse de cette qualification, en vue de déterminer dans quelle
mesure son application au contrat d'émission obligataire se révèlerait pertinente.
Àl'origine gratuit, le contrat de prêt d'argent n'engageait valablement les parties
qu'à la remise de la chose, objet du prêt. C'était la mise à disposition des fonds qui
faisait naître l'obligation de rembourser la somme prêtée. Le consentement des parties,
qui n'était alors pas suffisant à former le contrat, devait nécessairement être complété
par un fait matériel186, traduisant la volonté du prêteur de s'engager. La remise
de la chose prêtée n'était alors pas une obligation du prêteur, mais une condition de
validité du contrat. Ce faisant, le tradens prenait pleinement conscience de la gravité
de son acte de dépossession et de ce qu'il s'en remettait alors uniquement à la bonne
foi de son emprunteur pour la restitution des fonds187. Le report de la perfection du
contrat de prêt à la remise de la chose garantissait ainsi la protection du consentement
du prêteur. Bien plus qu'un simple formalisme protecteur, le principe de réalité du
184. Cass. com., 13 avr. 1999, nº 97-11383, Bull. IV, nº 87 p. 71 : D. 2000, p. 257, note LIPINSKI P. ;
RTD com. 1999, p. 964, obs. SAINT-ALARY-HOUIN C. ; RTD com. 2000, p. 177, obs. MARTIN-SERFA. ;
JCP E 1999. I. 177, obs. CABRILLAC M. - Adde Cass. com., 9 avr. 1991, nº 89-18817, Bull. V, nº 127 :
D. 1992, p. 257, obs. DERRIDAF. ; RTD com. 1991, p. 660, obs. CHAPUT Y.
185. Pour une étude exhaustive du caractère réel du contrat de prêt, v. CATTALANO-CLOAREC G., Le
contrat de prêt, thèse, LGDJ, 2015, spéc. nº 31 et s.
186. PIEDELIEVRE S., Vers la disparition des contrats réels ?, D. 2000, p. 482.
187. DELEBECQUE P., note ss. Cass. 1re
civ., 28 mars 2000, D. 2000, p. 358.

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