Bibliothèque de droit des entreprises en difficulté - Tome 31 - Les droits des obligataires confrontés à la procédure collective de l’émetteur - 138

138 LES DROITS DES OBLIGATAIRES CONFRONTÉS À LA PROCÉDURE COLLECTIVE DE L'ÉMETTEUR
règle de principe, il devint l'exception permettant de poursuivre « une finalité
protectrice »202.
120. Consécration jurisprudentielle du consensualisme du contrat de prêt -
Le caractère réel du contrat de prêt fut d'abord remis en cause par un avis du 9 octobre
1992203, rendu au sujet d'un prêt soumis aux dispositions du Code de la
consommation204. La Cour de cassation, interrogée sur la nature de ce contrat, avait
ainsi estimé qu'il était consensuel et devenait parfait dès l'acceptation de l'offre préalable
par l'emprunteur. Puis, par un arrêt du 27 mai 1998205, la Cour de cassation
décidait que les crédits immobiliers régis par les articles L. 312-7 et suivants du
Code de la consommation n'étaient pas des contrats réels. Une véritable rupture
avec la jurisprudence traditionnelle fut par suite opérée avec l'arrêt rendu par la
1re
chambre civile de la Cour de cassation le 28 mars 2000206, affirmant explicitement
que le prêt consenti par professionnel du crédit n'était pas un contrat réel. En l'espèce,
le prêt avait été octroyé à un professionnel pour les besoins de son activité, de sorte
que les dispositions protectrices du Code de la consommation ne trouvaient pas à
s'appliquer207. Depuis cette date, il est désormais acquis que le contrat de prêt
consenti par un professionnel du crédit naît de l'échange des consentements et non
de la mise à disposition des fonds, qui ne serait alors que « le premier acte d'exécution
du contrat »208.L'inexécution du contrat se résout par l'exécution forcée des engagements
pris, soit, en l'espèce, la remise des fonds209.
La solution adoptée par la Cour de cassation dans son arrêt du 28 mars 2000
procédait d'une volonté avant tout protectrice. La qualité de professionnel du prêteur
conférait une spécificité au contrat, justifiant qu'il soit accordé à l'emprunteur, pourtant
professionnel lui-même, une protection particulière210 en dehors du droit de la
consommation211. La solution restait néanmoins cantonnée aux prêts consentis par
un professionnel du crédit, excluant ainsi les prêts consentis par de simples profanes
à titre occasionnel212. Ainsi la Cour de cassation a-t-elle jugé213 que le « prêt qui n'est
pas consenti par un établissement de crédit est un contrat réel qui suppose la remise
d'une chose ». Il faut donc retenir de ces décisions que le prêt de consommation
demeure un contrat réel et ne devient consensuel que par exception, pour les prêts
202. CATTALANO-CLOAREC G., Le contrat de prêt, thèse Paris 1, LGDJ, 2015, spéc. p. 61.
203. Cass. avis, 9 oct. 1992, nº 92-04000, Bull. civ. 1992, nº 1, p. 1 : D. 1993, somm. p. 188, obs.
JULIEN P.
204. Code cons., art. L. 312-7 et s.
205. Cass. 1re
civ., 27 mai 1998, nº 96-17312, Bull. civ. 1998, I, nº 186, p. 125 : D. 1999, p. 194, note
BRUSHI M. ; D. 1999, somm. 28, note JOBARD-BACHELLIER M.-N. ; Defrénois 1998, p. 1054, obs. DELEBECQUE
P. ; Defrénois 1999, p. 16, note PIEDELIEVRE S.
206. Cass. 1re
civ., 28 mars 2000, nº 96-19260, Bull. civ. IV, nº 69 p. 58 : JCP G 2000, II, 10296,
concl. SAINTE-ROSE J. ; D. 2000, somm. p. 358, note DELEBECQUE P. ; D. 2000, p. 442, obs. PIEDELIEVRE S. ;
D. 2000, p. 239, note FADDOUL J. ; D. 2001, p. 1615, note JOBARD-BACHELLIER M.-N. ; D. 2002, p. 640,
note MARTIN D.-R. ; RTD com. 2000, p. 991, note CABRILLAC M. ; Defrénois 2000, 720, note AUBERT
J.-L. ; RTD com. 2000, p. 991, obs. CABRILLAC M.
207. Code cons., art. L. 311-3.
208. SAINTE-ROSE J., concl. ss Cass. 1re
209. C. civ., art. 1221.
210. LOCHOUARN D., note ss. Cass. 1re
civ., 28 mars 2000, JCP G 2000, II, 10296.
civ., 27 nov. 2001, JCP N 2000, p. 1270.
211. Ibid.
212. JOBARD-BACHELLIER M.-N., note ss. Cass. 1re
civ., 28 mars 2000, RTD com. 2000, spéc. p. 1616.
213. Cass. 1re civ., 7 mars 2006, nº 02-20374 : JCP E 2006, 2195, note PIEDELIEVRE S.

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