Bibliothèque de droit des entreprises en difficulté - Tome 31 - Les droits des obligataires confrontés à la procédure collective de l’émetteur - 222

222 LES DROITS DES OBLIGATAIRES CONFRONTÉS À LA PROCÉDURE COLLECTIVE DE L'ÉMETTEUR
dont l'origine a parfaitement été analysée par le professeur Augustin Aynès79.Le
principe de traitement uniforme, en ce qu'il répond à une égalité purement mathématique,
satisfait « un idéal de justice commutative en traitant identiquement les personnes,
les choses et les situations »80. Les limites apportées à ce principe tentent d'insuffler,
sans néanmoins y parvenir réellement, une égalité plus « géométrique »,
procédant d'une justice distributive où chacun serait traité selon ses mérites et sa
situation81. Or, les deux notions portent en elles des oppositions non
réconciliables82, qui nous font dire qu'« égalité et uniformité ne sont pas nécessairement
synonymes »83. Il en résulte pour le créancier réfractaire un traitement à mi-chemin,
opérant un équilibre délicat entre ces deux notions qui ne peut satisfaire complètement
les intérêts en présence. Ainsi, dans l'hypothèse d'un plan imposé sur cinq
ans, « celui dont la créance était exigible attend cinq ans par rapport à l'échéance initiale
pour être totalement payé ; celui qui aurait été payé dans quatre ans n'attend en
réalité qu'un an son paiement total ; celui qui aurait été payé dans six ans n'attendra
pas du tout... »84. Un traitement reposant sur une égalité arithmétique aurait commandé
de reporter toutes les échéances à cinq ans, au lieu de les fractionner. Cette
solution est cependant difficilement soutenable, tant pour le débiteur dont les perspectives
de redressement deviennent alors délicates à déterminer au regard du coût que ce
report engendrerait, que pour les créanciers dont les créances sont exigibles. Un traitement
reposant sur une égalité géométrique aurait, quant à lui, impliqué de prendre
en compte les différences de situation existant entre créanciers, afin de déterminer
l'ordre de paiement des créanciers réfractaires, ce que la loi ne permet pas dans le
cadre de la consultation individuelle des créanciers.
239. Conclusion de la Section 1 - Dans le cadre d'un plan imposé, la masse qui
aurait rejeté à la majorité des propositions de remise est assurée de ne pas se voir
imposer des remises ou une conversion de la créance obligataire. En l'état des textes,
les efforts imposés à la masse dans le cadre de la consultation individuelle dépendront
essentiellement du terme contractuel de la créance obligataire. Dans l'hypothèse où
l'exigibilité anticipée aurait été prononcée avant l'ouverture de la procédure collective,
les obligataires pourront se voir imposer les délais de paiement de l'alinéa 4 de
l'article L. 626-18 du Code de commerce. En l'absence de déchéance du terme, les
porteurs d'obligations remboursables infine seront, quant à eux, favorisés par rapport
aux porteurs d'obligations amortissables sous réserve de l'exécution du plan. Plus la
maturité d'origine sera éloignée, moins ils subiront le risque d'un rééchelonnement
limité à dix ans. Leur position sera néanmoins beaucoup plus risquée, dès lors qu'aucun
versement ne pourra être effectué avant la date à laquelle l'emprunt aurait dû être
initialement remboursé. En cas de résolution du plan avant cette date, les porteurs
79. V. en ce sens, AYNES A., Les causes classiques de préférence : l'égalité respectée ? Le traitement
différencié des créanciers titulaires de sûretés réelles, BJE 2019, p. 52.
80. AYNES A., Les causes classiques de préférence : l'égalité respectée ? Le traitement différencié des
créanciers titulaires de sûretés réelles, BJE 2019, p. 52, spéc. nº 2.
81. Ibid.
82. V. en ce sens AYNES A., Les causes classiques de préférence : l'égalité respectée ? Le traitement
différencié des créanciers titulaires de sûretés réelles, BJE 2019, p. 52, spéc. nº 2 qui souligne que « l'égalité
arithmétique est inégalité géométrique ou proportionnelle, et, réciproquement, l'égalité géométrique ou
proportionnelle est inégalité arithmétique ».
83. AYNES A., Les causes classiques de préférence : l'égalité respectée ? Le traitement différencié des
créanciers titulaires de sûretés réelles, BJE 2019, p. 52, spéc. nº 2.
84. PEROCHON F. et a., Entreprises en difficulté, LGDJ, 11e
éd., 2022, spéc. nº 1691.

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